Le Temple : Spleen et idéal
Scène

Le Temple : Spleen et idéal

Chassés pour des raisons de sécurité de l’église où ils répétaient, les comédiens et concepteurs de la production Le Temple, tels les saltimbanques de leur pièce qui vont de ruine en ruine racontant une histoire de meurtre et d’idéal, réveillent les échos d’une autre église désaffectée. L’église Saint-Coeur-de-Marie est à vendre… Endroit superbe, elle prête ses voûtes de pierre à un récit "vieux comme le  monde".

Quoi de mieux qu’une église pour évoquer, soir après soir, une histoire que tout le monde connaît: la lutte incessante de l’idéal, ici celui de la beauté et de la création, avec les pouvoirs militaires, religieux, politiques et économiques. "Il n’y a rien de nouveau dans ce qu’on dit", avance Philippe Soldevila, metteur en scène du Temple et directeur artistique du Théâtre Sortie de Secours. "L’église est souvent le lieu de rituels – le théâtre en est un -, dans lesquels on répète toujours les mêmes choses. Ici, une troupe itinérante raconte une histoire, comme pour rappeler aux gens une vérité connue: dans la vie, les idéaux sont souvent trahis. C’est pessimiste, mais c’est bon de se le rappeler; à partir de là, qu’est-ce qu’on fait?"

Le Temple se présente à la fois comme un polar historique, une histoire d’amitié, un théâtre dans le théâtre baroque et mystérieux. Un architecte désire construire un temple, "un objet de beauté, de pureté, sans fonction". Son monument traverse les époques et les tourmentes politiques; un soir, l’architecte meurt. Comment? C’est ce que la pièce révèle, en même temps qu’elle brosse le portrait d’une époque, de toutes les époques, et raconte les difficultés d’un créateur, celles de tous les créateurs. "C’est la confrontation entre ce rêve de l’artiste et les mesquineries de la vie; c’est l’histoire de l’innocence perdue, de la beauté corrompue."

Avec cette pièce, Sortie de Secours, pour la première fois, travaille avec un texte commandé à un auteur. Habitué au travail de création, Philippe Soldevila apprécie la nouveauté et la surprise permises ainsi. "On avait commencé à travailler à un projet; on a demandé à Pierre-Yves Lemieux de l’écrire pour nous. Il s’est inspiré de l’atmosphère, de l’époque qu’on voulait aborder, pour créer quelque chose d’intemporel. Il y a bien sûr eu collaboration entre nous, mais on a laissé une grande autonomie à l’auteur. Et Pierre-Yves nous a amenés dans des endroits qu’on ne soupçonnait pas."

Pièce construite de plusieurs histoires imbriquées, Le Temple exige beaucoup des comédiens Marcelo Arroyo, Serge Bonin, Andrée Desjardins, Normand Poirier et Marie-France Tanguay. "C’est assez athlétique", affirme le metteur en scène. Les époques, les lieux et les personnages sont créés simplement, avec un minimum de changements de costumes et de décors, conçus par Christian Fontaine et Isabelle Larivière. L’équipe est complétée par Martin Bélanger, pour la conception et l’interprétation de la musique, et Jean Bélanger, assistant à la mise en scène.

Réfléchissant aux dernières semaines, Philippe Soldevila confie: "Parfois, je relie ce qu’on fait au film Jésus de Montréal. Des acteurs se réunissent; ils ont un projet de fou, se font mettre à la porte par le diocèse. Ça ressemble à ce qu’on vit: on se fait jeter à la porte du "temple", on cherche un autre endroit. Et on se bat contre des choses beaucoup plus grandes que nous: l’écho, par exemple. C’est fou l’énergie qu’on a mis là-dedans. Il y en a encore trop, mais on va devoir vivre avec ça."

Pour le metteur en scène, qui se qualifie de "curieux", et qui voit dans chaque pièce "une excursion théâtrale", l’odyssée du Temple, bien qu’"épuisante", est sûrement une aventure très féconde…

Du 5 au 16 décembre
À l’église Saint-Coeur-de-Marie
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