Extasy_land.com : Sens dessus dessous
Scène

Extasy_land.com : Sens dessus dessous

En s’inspirant de séances d’improvisations collectives pour pondre Extasy_land.com, Jean-Frédéric Messier a fait un cadeau empoisonné aux finissants du Conservatoire d’art dramatique de Montréal.

En s’inspirant de séances d’improvisations collectives pour pondre Extasy_land.com, Jean-Frédéric Messier a fait un cadeau empoisonné aux finissants du Conservatoire d’art dramatique de Montréal. Bien qu’audacieuse, l’oeuvre kaléidoscopique résultant de cet exercice souffre en effet d’un manque flagrant d’unité. Aux prises avec cette fresque éparpillée et racoleuse de près de deux heures trente, les 10 comédiens font de leur mieux pour se faire valoir, même si cela implique de se livrer à un strip-tease collectif sur un podium de défilé de mode, ou de danser en g-string tout contre un poteau…

Les personnages qu’ils incarnent sont à la recherche du sens de la vie et tentent de combler le vide de leur existence par leur boulot, la religion ou le sexe. Tous les comédiens jouent au moins deux rôles, ce qui donne une petite idée du nombre de personnages impliqués dans l’aventure… Une partie de l’action se déroule au Cabaret Extasy, un bar de danseuses qui embauche Clothilde (Salomé Corbo, excellente), une étudiante zélée qui termine un doctorat sur la prostitution. Autour d’elle gravitent un timide rêvant de travailler comme administrateur pour le Théâtre Il va sans dire, un couple de Français mal assorti, une fonctionnaire du ministère du Revenu, un agent de sécurité complètement dingue, son patron magouilleur, un gourou, un éboueur, l’héritière d’une entreprise de ramassage de vers de terre et une ex-rieuse professionnelle… en dépression. Ouf!

Les comédiens, qui ont rodé le spectacle au printemps dernier sous la direction de Dominic Champagne, se glissent dans la peau de ces êtres à la recherche du bonheur avec fougue et enthousiasme, malgré quelques faiblesses – notamment lors de l’interprétation d’une chanson de Jean Leloup, rythmée par le martèlement de leurs bottes.

Cette enfilade de numéros, que les concepteurs du show comparent à un collage à la Short Cuts, est saupoudrée de références cinématographiques et littéraires, sans compter les clins d’oeil à Champagne, Messier et à la pièce "Cabaret neiges sales". Le spectacle débute d’ailleurs par une annonce – "Mesdames et messieurs, les créatures de Dieu, s’il existe, malgré les millénaires se souviennent de ce qu’était le paradis terrestre" – qui n’est pas sans rappeler la prière de Stendhal: "Mon Dieu, si vous existez, ayez pitié de mon âme, si j’en ai une…"

De la disgrâce d’Adam et Ève au suicide collectif des membres d’une secte millénariste, en passant par un cabaret érotique aux allures de paradis kitsch, Extasy_land.com ratisse large.

"Les pièces de Jean-Frédéric Messier sont comme la vie… Elles éclatent dans tous les sens, s’éparpillent, suggèrent mille et une couleurs, jusqu’à nous étourdir", peut-on lire dans le cahier pédagogique de la Salle Fred-Barry. Il y a 10 ans, Messier soutenait que l’avenir du théâtre ne passait pas par l’écriture, mais par la représentation. L’important, c’était de faire du théâtre rock’n’roll. Sa plus récente création démontre qu’il n’a pas changé d’avis…

À la Salle Fred-Barry
Jusqu’au 27 janvier