Le Rire de la mer : Vivre sa vie
Scène

Le Rire de la mer : Vivre sa vie

C’est l’histoire triste et gaie de Pénélope Bouchard, de Chicoutimi-Nord, célibataire de 30 ans condamnée par le cancer. Elle représente l’archétype de la jeune Québécoise…

C’est l’histoire triste et gaie de Pénélope Bouchard, de Chicoutimi-Nord, célibataire de 30 ans condamnée par le cancer. Elle représente l’archétype de la jeune Québécoise, à la fois enracinée dans sa culture et ouverte sur le monde, angoissée mais toujours joyeuse, indépendante et à la recherche du grand amour. C’est l’histoire d’une femme de coeur, sur laquelle le malheur est tombé. Mais qui refuse d’abandonner.

À une autre échelle, Pénélope incarne un mythe comme son homologue imaginée par Homère dans L’Odyssée. Un petit mythe inventé par l’auteur Pierre-Michel Tremblay qui produit actuellement, à La Licorne, après Le Jeu du pendu et Quelques Humains, sa troisième pièce pour le collectif d’acteurs Les Éternels Pigistes. Un feel-good-play, pourrait-on dire, à l’instar de ces films qui donnent de l’espoir sans cacher la détresse humaine.

D’ailleurs, l’auteur affirme avoir voulu raconter, dans Le Rire de la mer, "comment nos souffrances alimentent notre imaginaire"… Pour Tremblay, également professeur à l’École nationale de l’humour, la comédie "puise dans une douleur réelle". Sa pièce, même lorsqu’elle tombe dans des excès propres à la farce, reste touchante. Et surtout son personnage principal, interprété avec beaucoup de vérité et de grandeur d’âme par Isabelle Vincent.

Atteinte du cancer, Pénélope, au lieu d’attendre fatalement la mort, décide de partir en voyage… En une demi-douzaine de tableaux et autant de rencontres, le public suit son drôle de périple (la mise en scène de Marie Charlebois est à la fois sobre et très efficace). Contrairement à Ulysse, Pénélope Bouchard ne navigue pas en eau trouble. Partout où elle va (Londres, Paris, la Grèce, la Bretagne), elle laisse une empreinte de douceur, de sérénité, voire de joie de vivre, malgré sa maladie.

Par-delà son thème principal, Le Rire de la mer est aussi remplie de clins d’oeil sur le théâtre (l’utilisation, entre autres, du choeur grec), la culture, la politique et quelques mythes occidentaux. On y croise le fantôme de Molière, rongé par le doute, au cimetière du Père-Lachaise; ceux de Tit-Coq et d’Ulysse (Patrice Coquereau, exceptionnel dans sa caricature d’acteur tragique qui surjoue); des militants bretons qui vénèrent le FLQ; un conservateur distingué et francophile du British Museum…

Tout au long de ce spectacle de 90 minutes, on reconnaît une complicité évidente entre les cinq acteurs (on retrouve aussi sur scène Christian Bégin, Pier Paquette et Marie Charlebois), qui défendent plusieurs petits rôles. Par moments, cela flirte avec l’énergie et l’inventivité scénique des premières (et plus modestes) pièces de Robert Lepage.

Bref, ces Éternels Pigistes, une joyeuse bande qui se passionne pour son art avec bonheur et sans prétention, livrent un bon moment de théâtre à La Licorne. Et c’est plésant, comme dirait Pénélope Bouchard.

Jusqu’au 3 février
À La Licorne