Jacques ou la Soumission / L’Avenir est dans les oeufs : Buffet froid
Émule d’Eugène Ionesco, le metteur en scène Jacques Lessard a déjà dirigé plusieurs productions du grand dramaturge. Curieusement, il s’attaque ici à deux de ses courtes pièces plutôt mineures.
Émule d’Eugène Ionesco, le metteur en scène Jacques Lessard a déjà dirigé plusieurs productions du grand dramaturge. Curieusement, il s’attaque ici à deux de ses courtes pièces plutôt mineures, Jacques ou la Soumission et L’avenir est dans les oeufs; et cela, pour la troisième fois de sa carrière!
À l’affiche du Théâtre Denise-Pelletier, Jacques ou la Soumission et L’avenir est dans les oeufs forment un programme double, puisque la deuxième oeuvre fait suite à la première avec les mêmes personnages (la famille de Jacques et celle de Roberte) que l’on retrouve trois ans plus tard. Toutefois, ces pièces d’Ionesco n’ont pas été créées ensemble: la première a vu le jour en 1955, au Théâtre de la Huchette à Paris (où l’on joue depuis un demi-siècle, au milieu des restos grecs, sa Cantatrice chauve); et la seconde, en 1957. Curieusement, c’est seulement en 1977 qu’un metteur en scène a monté les deux textes en une seule soirée au Théâtre de la Ville de Paris.
Dans une famille où tous les membres s’appellent Jacques, le fils refuse de se plier à l’ultime valeur du clan: aimer les pommes de terre au lard. Tout le monde se déchaîne contre l’ado rebelle. Jacques craque sous la pression. Ensuite, on le force à épouser Roberte. Mais Jacques résiste, parce qu’il trouve la fiancée trop belle et qu’elle a deux nez au lieu de trois! Mais Roberte séduira Jacques et le mariage sera consommé. Trois ans plus tard, dans leur nid d’amour, le couple est forcé de procréer "pour la continuité de la race" Suit une violente charge contre la société de consommation, alors que Roberte pond des oeufs et que son père crie: "Production! Production!"
La production (sans jeu de mots) que dirige Jacques Lessard au TDP plaira sûrement au public adolescent qui se rend aux matinées scolaires de la compagnie. Pour ce qui est du public adulte, il restera probablement sur sa faim, tant ce plaidoyer contre le conformisme et la surconsommation est peu subtil. Le côté caricatural de la mise en scène (on croirait assister à un épisode de The Adams Family à la sauce existentielle, ou encore à "une émission de La Ribouldingue sur l’acide" pour reprendre la formule d’une de mes collègues à Flash) souligne au crayon gras un message déjà très gros.
Bien sûr, l’aspect comique ou dérisoire qui traverse ces textes d’Ionesco permet cette liberté scénique, mais la gravité et l’étrangeté de son théâtre sont pratiquement évacuées.
La qualité de l’équipe d’interprètes rachète la faiblesse de la représentation. Louisette Dussault, Jacques Girard, Gilles Pelletier, Françoise Graton, Christiane Proulx, Jacques Allard et Simone Chartrand entourent avec brio le talentueux jeune couple incarné par Stéphane Brulotte et Évelyne Rompré.
Le décor ingénieux (l’appartement de la famille et le mobilier sont à l’intérieur d’une immense boîte de conserve très pop art) et les costumes colorés ont été réalisés par Denis Denoncourt. Un concepteur que je ne connaissais point, mais qui semble posséder une vision artistique originale.
Jusqu’au 17 février
Au Théâtre Denise-Pelletier