Wit : Un coeur simple
Scène

Wit : Un coeur simple

Précédée d’une pléthore de prix (dont le Pulitzer) ainsi que de nombreuses critiques élogieuses aux États-Unis et au Canada, Wit, de Margaret Edson, arrive enfin à Montréal, six ans après sa création.

Précédée d’une pléthore de prix (dont le Pulitzer) ainsi que de nombreuses critiques élogieuses aux États-Unis et au Canada, Wit, de Margaret Edson, arrive enfin à Montréal, six ans après sa création. Après avoir vu la production actuelle, dirigée par David Latham au Théâtre Centaur, dans le Vieux-Montréal, on peut confirmer que les attentes n’auront pas été vaines: Wit est une grande pièce sur la lutte d’une femme contre le cancer. Et sur d’autres vieilles batailles menées par les hommes et les femmes depuis des lustres: le duel entre le coeur et l’esprit, l’opposition entre le monde matériel et le monde spirituel.

Wit raconte donc le drame d’une professeure de littérature anglaise à l’université atteinte de ce mal du XXe siècle. Vivian Bearing (admirablement interprétée par la comédienne canadienne Rosemary Dunsmore) a consacré sa vie à la recherche sur l’oeuvre des Romantiques et, principalement, sur celle du poète et prédicateur anglais John Donne (1573-1631). Auteure de nombreux articles dans des revues littéraires spécialisées, elle est aussi reconnue pour sa sévérité et son esprit intransigeant qui craint plus que tout la paresse intellectuelle. D’ailleurs, elle admire les sonnets métaphysiques de John Donne parce qu’ils sont d’une grande complexité et refusent l’image facile.

Il n’est donc pas surprenant qu’en apprenant son diagnostic, au début de la pièce, Vivian Bearing accepte de signer un protocole de recherche sur le cancer qui lui demandera de passer par d’intenses et inhumaines douleurs.

À travers le destin de ce personnage touchant et très seul (célibataire et solitaire, elle ne reçoit jamais de visites durant son hospitalisation, sauf à la fin) Margaret Edson a écrit une pièce percutante sur un sujet troublant. L’auteure américaine s’en prend à la déshumanisation de la médecine et du système hospitalier, au paradoxe de certains traitements qui sont plus nocifs que la maladie… mais en regardant toujours l’envers de la médaille, les motivations de chacun, et en voulant réconcilier les uns et les autres.

Dans un décor superbe signé David Gaucher, la mise en scène de David Latham est précise et efficace. Dans la distribution se détache, bien sûr, Rosemary Dunsmore qui donne ici une prestation émouvante et inoubliable, une performance qui vaut à elle seule le détour au Centaur. Sur scène du début à la fin, passant du tragique au comique, pieds nus dans sa jaquette d’hôpital et le crâne rasé, la comédienne se décompose littéralement devant nous.

La science et les sentiments ne font pas bon ménage, c’est connu. À l’instar de ces médecins qui lui font passer des batteries de tests sans compassion, dans le but de faire avancer leurs recherches, Vivian Bearing a été aussi une docteure qui ne reculait devant rien pour repousser les limites de son savoir.

Toutefois, sur son lit de mort, cette brillante professeure doute de son étoile. Les choses du coeur ne sont-elles pas aussi nobles que les choses de l’esprit? Voilà la question que pose Margaret Edson avec Wit.

À voir le public en sanglots, le soir de la première, elle n’est certes pas la seule…

Jusqu’au 18 février
Au Centaur
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