

L’Amante anglaise : La jeune fille et la mort
L’Amante anglaise offre aux amateurs d’intrigues policières une histoire prenante et bien ficelée, jouée dans un dépouillement qui représente une aubaine pour une compagnie sans grands moyens comme le bien nommé Théâtre de Fortune: une chaise, deux spots, trois comédiens et le tour est joué!
Catherine Hébert
L’Amante anglaise
offre aux amateurs d’intrigues policières une histoire prenante et bien ficelée, jouée dans un dépouillement qui représente une aubaine pour une compagnie sans grands moyens comme le bien nommé Théâtre de Fortune: une chaise, deux spots, trois comédiens et le tour est joué!
Inspirée d’un fait divers rapporté dans les journaux en 1949, cette pièce de Marguerite Duras met en scène deux interrogatoires: ceux de la meurtrière Claire Lannes (Marie-Claude Sabourin), et de son mari, Pierre (André Delage). La femme avoue avoir tué la cousine de son époux, une sourde-muette qui tenait leur maison. Pour se débarrasser du cadavre, elle en a jeté chaque jour un morceau dans un train de marchandises passant près de chez elle. Claire Lannes est folle, elle-même l’affirme.
Mais pourquoi a-t-elle tué celle qui partageait son quotidien? Est-ce par jalousie, par désoeuvrement ou par démence? L’interrogateur (Luc Vincent) fera avouer au mari que ce meurtre représente pour lui un événement heureux (après 22 ans de vie commune, il n’aura plus à supporter les excentricités et l’indifférence de l’épouse qu’il a cessé d’aimer), pour ensuite tenter de découvrir pourquoi Claire a fait la peau de l’handicapée…
Tant par leur contenu que par le ton sur lequel elles sont formulées, les questions de cet inspecteur – debout à l’arrière de la salle, dans le noir – ressemblent plus à celles d’un psy qu’à celles d’un représentant de la loi. Et c’est tant mieux, puisque l’intérêt de L’Amante anglaise réside surtout dans la complexité des personnages imaginés par Duras. Dommage, toutefois, que cette joute verbale soit mise en scène (par Jean-Marie Papapietro) sans beaucoup d’inventivité, et qui plus est parsemée d’effets sonores souvent inutiles. Les comédiens, quant à eux, se mettent au service des mots, offrant une performance sobre et toute en finesse.
Jean-Marie Papapietro croit qu’avec cette pièce, l’auteur, qui a vécu sur le bord du Mékong, a en quelque sorte retrouvé l’esprit du nô. Il reprend d’ailleurs dans le programme l’explication de Paul Claudel: "Le drame, c’est quelque chose qui arrive; le Nô, c’est quelqu’un qui arrive", pour décrire L’Amante anglaise. Et de fait, il n’arrive pas grand-chose dans cette production jouée sur une scène dénudée, dont l’action se résume aux témoignages sordides mais captivants de deux êtres troublés.
Jusqu’au 11 février
À la salle intime du Prospero