Sébastien Delorme / Sébastien Ricard : Les diaboliques
Scène

Sébastien Delorme / Sébastien Ricard : Les diaboliques

Après le succès de Mambo Italiano, la Compagnie Jean-Duceppe poursuit sa saison avec Les Oiseaux de proie de John Logan. Une pièce basée sur une histoire vraie qui réunira pour la première fois SÉBASTIEN RICARD et SÉBASTIEN DELORME.

Ils sont jeunes, beaux, brillants et très riches. Sur un site Web qui leur est consacré, on peut voir des photos prises durant leur procès. Cheveux gominés, regard fier, fringues haut de gamme… Ces deux gosses n’ont pas du tout des gueules de truands. Pourtant le 21 mai 1924, en Illinois, Richard Loeb, 18 ans, et Nathan Leopold, 19 ans, ont commis un meurtre aussi crapuleux que gratuit. Pour le plaisir.

À Chicago, ce printemps-là, tout le monde parlait de l’assassinat d’un adolescent de 14 ans par deux fils de millionnaires (dont l’un, du vice-président de Sears-Roebuck). Universitaires obsédés par la théorie nietzschéenne du surhomme, Richard Loeb et Nathan Leopold croyaient pouvoir réussir le crime parfait. Mais le couple se fera facilement prendre et échappera de justesse à la peine de mort, grâce au plaidoyer humaniste d’un avocat, réputé à l’époque, Clarence Darrow. Même en prison, les jeunes meurtriers avoueront leur meurtre mais nieront leur culpabilité.

Pourquoi ont-ils commis ce meurtre? La question demeure, 77 ans plus tard, sans réponse. C’est probablement pour cette raison que ce célèbre fait divers a inspiré plusieurs artistes, dont Alfred Hitchcock pour son film The Rope, et le dramaturge John Logan qui a écrit, en 1985, Never the Sinner. Sous le titre Les Oiseaux de proie, la Compagnie Jean-Duceppe présente dès le 14 février la pièce de Logan dans une traduction de Benoît Girard. Sous la direction de Claude Poissant, les comédiens Sébastien Delorme et Sébastien Ricard incarneront le couple maudit; tandis que Gérard Poirier et Alain Zouvi interpréteront respectivement l’avocat de la Défense (Darrow) et le procureur de la Couronne (Crowe).

L’auteur américain, qui a également écrit des scénarios pour le cinéma (Any Given Sunday d’Oliver Stone, et Gladiator de Ridley Scott), a déclaré à propos de cette sordide histoire: "Malgré les apparences, il ne faut jamais oublier que ma pièce est une histoire d’amour." C’est que derrière leur crime et leurs méfaits, se cache une relation homosexuelle tordue et pas assumée.

"Ils s’aimaient dans la clandestinité, explique Sébastien Delorme. Ils avaient fait un pacte. Ils planifiaient des crimes en échange de relations sexuelles. Leur homosexualité a été abordée en Cour, mais le juge faisait sortir les gens de la salle d’audience et il osait à peine nommer la chose. C’était bien avant la parade de la Fierté gaie." (rires)

Ce qui fascinait alors la presse et le public américains, c’était le train de vie de Loeb et Leopold. "Ils faisaient partie du jet-set local, paradaient dans de belles voitures, et sortaient dans les bars, poursuit Sébastien Delorme. En 1924, ils bénéficiaient chacun d’allocations hebdomadaires de 250 dollars! Ils avaient l’arrogance des enfants de riches. Ils se pensaient supérieurs à tout le monde. Pour eux, le meurtre d’un innocent était une expérience scientifique comparable à celle d’un entomologiste qui épingle une coccinelle pour l’examiner!!!"

Pour Sébastien Ricard, il y a dans leurs comportements "une inconscience de la jeunesse" par rapport aux gestes que l’on fait et aux conséquences qui en découlent. Il y aussi "un désir de transgression" des règles sociales. "À 18 ans, un jeune se croit au sommet de sa puissance. Il est en possession de toutes ses capacités. Il peut prendre des brosses et se lever le lendemain en pleine forme. Et c’est aussi un âge où l’on est facilement influençable, où l’on se croit au-dessus de la morale. Richard et Nathan ont l’idée de transgresser tout le temps. Pour eux, le crime parfait est la transgression suprême. Mais la pièce ne donne pas de réponses et ne tente pas de justifier leurs actes."

Par contre, avec le personnage de l’avocat de la Défense, John Logan remet en question la peine de mort qui demeure un sujet d’actualité aux États-Unis. En plaidant en faveur de la clémence, maître Darrow dit que "la pitié est la plus grande preuve d’humanité et la Bible nous enseigne que nous devons avoir horreur du péché et non du pécheur…".

"De son côté, raconte Sébastien Ricard, le procureur Robert Crowe représente la vieille école de pensée: oeil pour oeil, dent pour dents. Alors que son collègue Darrow s’oppose à ce châtiment, en expliquant qu’avant de condamner à mort deux mineurs, il faut relativiser certaines choses. Il prêche pour faire avancer la pensée humaine. Certes, l’avocat affiche un penchant très catholique et il manipule le juge pour gagner sa cause. Mais les propos de Darrow me font beaucoup réfléchir. Qu’est-ce qui est le plus odieux? Le meurtre gratuit commis par deux jeunes contrevenants; ou celui légalisé et cautionné par un solide appareil judiciaire?

"La peine de mort, c’est une machine humaine qui travaille à la destruction d’autres humains", concluent les deux jeunes comédiens.

Le public de Duceppe sera confronté à cet éternel problème de société et pourra tirer ses propres conclusions.

Du 14 février au 24 mars
Au Théâtre Jean-Duceppe
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