Les 2 soeurs : Un air de famille

Louis-Dominique Lavigne

ne s’en cache pas: c’est dans le quotidien qu’il puise sa matière dramatique. Il affirme avoir une dette énorme envers ses enfants, qu’il espionne régulièrement. Du particulier à l’universel, il n’y a qu’un pas pour l’auteur et metteur en scène, qui raconte avec justesse dans Les 2 Soeurs le passage de l’enfance à l’adolescence d’une aînée, et ses répercussions sur la vie familiale. Du théâtre-vérité dans lequel le directeur artistique du Théâtre de Quartier a inséré de jolies envolées poétiques et une bonne dose d’humour.

Tandis que Pauline parle aux arbres et aux oiseaux, sa soeur Mathilde discute de plus en plus avec le petit voisin. L’une a huit ans, l’autre onze. Mathilde boude sa cadette, déboussolée par la soudaine métamorphose de sa soeur. Il faut dire que Maman est en voyage d’affaires; et que Papa se débrouille comme il peut, c’est-à-dire plutôt mal… Les soeurs avaient l’habitude de se taquiner, sans se lâcher d’une semelle. L’arrivée de Juliette, la cousine des vieux-pays, bouleverse tout: à son contact, Mathilde se teint les cheveux arc-en-ciel et s’affuble de souliers à plates-formes géantes… "Pareilles mais pas pareilles", comme elles le disent, les deux soeurs parviendront-elles à trouver un terrain d’entente?

La pièce du Théâtre de Quartier, créée en juin dernier au festival Les Coups de théâtre, s’ouvre sur un petit prologue sympathique. Les quatre comédiens (Carole Chatel, Sylvain Hétu, Suzanne Hurtubise et Dominic La Vallée) expliquent qu’au théâtre, tout peut être possible… même des interprètes dans la quarantaine, voire la cinquantaine, jouant les enfants! Dans le rôle du père dépassé par les événements mais fasciné par ses bambines, Dominic La Vallée est touchant de naïveté. L’aînée est campée avec énergie par Suzanne Hurtubise, dont la voix solide donne du punch aux chansons, tandis que sa cadette est incarnée avec sensibilité par Carole Chatel, comédienne bien connue de la génération Watatatow. Le polyvalent Sylvain Hétu se glisse pour sa part dans la peau de six personnages, dont le voisin Mathieu, le facteur et un affreux fonctionnaire.

Par moments très réaliste (il y est question d’Eminem, de Ben Affleck, de Jim Carrey), parfois teintée d’onirisme, la création du Théâtre de Quartier est jouée dans un décor ingénieux, installé sur un plateau qui tourne pour révéler l’intérieur de la maison ou son extérieur. Le scénographe Étienne Ricard a conçu de colorés accessoires qu’on dirait sortis d’une bédé. Seule ombre au tableau: l’action est entrecoupée de chansons rap un brin racoleuses, qui apportent peu à l’histoire.

Avec Les 2 Soeurs, Louis-Dominique Lavigne a fait un pari audacieux: parler à la fois aux enfants de six ans et aux ados. Et il parvient à le faire avec beaucoup de tendresse. "J’aime sentir mes filles heureuses. Je pense que le plus beau cadeau que je leur ai fait à l’une et à l’autre, ce n’est pas un disque ou le dernier Nintendo: c’est une soeur", confie en fin de pièce celui qu’on devine être son alter ego, le Papa…

Jusqu’au 4 mars
À la Maison Théâtre
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