Soudain l’été dernier : L’amour fou
"Le théâtre, c’est vraiment un lieu de liberté totale. Unique", affirme FRANÇOISE FAUCHER. Comédienne et metteure en scène, elle s’y consacre depuis plus de 50 ans.
Française d’origine, Françoise Faucher a adopté le Québec. Les Québécois le lui ont bien rendu: plusieurs ignorent même qu’elle n’est pas née ici. Mais sa carrière étend ses racines jusqu’au pays de l’enfance. Toute petite, elle apprend à adorer le théâtre, au contact de sa mère: "Maman m’en parlait avec passion. Pour moi, le théâtre, c’était la fête."
Ravie de revenir travailler au Trident, où elle a "monté de belles grandes oeuvres", Le Dialogue des Carmélites, en 1990, et Andromaque, en 1998, Mme Faucher y prépare, avec concepteurs et comédiens, une histoire d’une beauté sombre, jouée dans la brutale lumière du Sud: Soudain l’été dernier de Tennessee Williams (1958).
Grandeur terrible, relations familiales troubles: la pièce s’apparente à la tragédie grecque. On y rencontre Mme Venable, mère " amoureuse folle de son fils " Sébastien, mort dans des circonstances étranges après une jeunesse mêlant "recherche de beauté, quête de spiritualité, débauche". Avec Mme Venable, "on est vraiment dans l’aveuglement de l’amour maternel exacerbé et fou, qui transforme totalement la réalité et la recrée pour en faire une oeuvre d’art". Pour éviter que ne soit ternie "l’image sublime de son fils", elle souhaite même faire subir à Catherine, amie du jeune homme et témoin de sa mort, une lobotomie… Peu à peu se dévoile cet univers inquiétant, dormant sous les apparences "d’une très jolie fin de journée à la Nouvelle-Orléans, dans le quartier chic du Garden District".
"Tennessee Williams, dans cette pièce, a une façon d’envisager l’amour comme une espèce de cannibalisme, explique la metteure en scène: chacun se sert de l’autre et les gens s’entre-dévorent. Les personnalités les plus faibles sont mises à mort dans cet échange monstrueux qu’il y a entre les êtres humains, et qu’on appelle l’amour. C’est une vision très pessimiste, concède-t-elle. Mais dans la pièce, on a aussi, constamment, des petites phrases très tendres, montrant le don, sans gain ou perte. C’est une pièce pleine de surprises, et très autobiographique." On y retrouve en effet plusieurs éléments de la vie de l’auteur: la mère et son amour étouffant, la jeune fille qui dit ce qu’on refuse d’entendre, le père absent, la quête de pureté et de plaisir.
Pièce impitoyable, Soudain l’été dernier est également empreinte de poésie. "Il y a dans cette pièce une beauté difficile parfois à supporter: une belle horreur. C’est terrible, absolument. Mais c’est une grande pièce: un trait. Fulgurant, je l’espère."
En ce 8 mars, réflexion sur le théâtre et les femmes: sexiste, le théâtre? "Au premier abord, non, répond Françoise Faucher. Pour raconter la vie, on a besoin d’hommes et de femmes. Mais dans toutes les dramaturgies, il y a beaucoup plus de rôles masculins que de rôles féminins; il y a des âges où la femme n’est plus représentée: le cheveu blanc, chez la femme, n’est pas particulièrement visible sur scène…", glisse-t-elle en souriant. "C’est dommage, car il y a beaucoup de très bonnes comédiennes. C’est un rôle féminin, me semble-t-il, de jouer la comédie, de se glisser dans la peau de l’autre; ça prend une grande sensibilité, une façon de se sortir de soi, de donner. Les hommes qui sont dans ce métier, sans nier leurs qualités viriles, ont certainement beaucoup de féminin en eux…"
Du 13 mars au 7 avril
Au Grand Théâtre
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