Five Wolf Deavtov Circus : Un cirque en hiver
Scène

Five Wolf Deavtov Circus : Un cirque en hiver

Avec Five Wolf Deavtov Circus, Pascal Contamine et ses acolytes du Ciraam frappent un grand  coup.

Avec Five Wolf Deavtov Circus, Pascal Contamine et ses acolytes du Ciraam frappent un grand coup. Il ne faut surtout pas se laisser rebuter par le titre imprononçable de ce happening multidisciplinaire éclaté, festif, foisonnant de trouvailles. Proche parent du délirant collectif Momentum et du Théâtre Il va sans dire, le Ciraam – Centre international de recherche et d’action artistique et multimédia – nous offre l’un des plus précieux moments théâtraux de la saison, un show ambitieux, voire mégalo, très travaillé, où la forme n’éclipse pas le fond, où la technologie ne fait jamais écran au propos. Trois heures de bonheur au coeur d’un cirque qui n’a rien d’ordinaire…

La pièce, inspirée des écrits du mystérieux auteur italien Tornado Ricci – de son vrai nom Michaelo Cotti -, qui se serait enlevé la vie le jour de la réélection de Berlusconi, met en scène l’odyssée d’un foetus prisonnier d’un corps de boxeur: Sans-Nom EnKor (Stéphane Franche). Ce dernier se questionne sur le sens de la vie. Au terme de ce voyage initiatique dans les mondes de l’argent, des religions et de l’amour, le petit Sans-Nom devra décider s’il accepte de naître. Aussi naïf que le Petit Prince, spécialiste des lapsus, ce mignon foetus se balade en compagnie de son ange gardien, le p.s.i. (pour policier de la sécurité intérieure) Sigmund (Denis Gravereaux), dans "l’inconscient métasocial universel", en quête de l’Ultime.

Son périple est divisé en neuf tableaux, peuplés d’une quarantaine d’hallucinants personnages. On y retrouve les méchants Requintérêts (Manon Brunelle et Anne Paquet), les hilarants Oniro-policiers (Didier Lucien et Annick Bourassa), des neurones imaginatifs en tutu (Éric Forget et Geoffrey Gaquere) et un tandem de tueurs philosophes incarnés par Denis Lavalou et Didier Lucien. Les neuf comédiens réunis par Pascal Contamine impressionnent par leur polyvalence, leur sens du comique et leur agilité. C’est avec beaucoup de grâce – du côté des filles – et une bonne dose d’autodérision qu’ils interprètent les amusantes chorégraphies d’Estelle Clareton.

Si Five Wolf est une réussite, c’est aussi grâce à la qualité du travail accompli par ses concepteurs. La scénographie de David Pelletier (Organic Fresh Heroes) est d’une beauté impressionnante. Une grande toile en forme de chapiteau occupe un coin de la scène, tandis qu’une gigantesque demi-boîte crânienne est placée dans l’autre. Pour une rare fois au théâtre, les projections vidéo, de Frédéric St-Hilaire, ne sont pas qu’accessoires; elles servent véritablement l’action. C’est aussi le cas des effets sonores et des éclairages.

Cette ambitieuse odyssée est bourrée de références et de citations hétéroclites, qui vont de Shakespeare à Tarantino, en passant par Kassovitz, Beckett, Jean Giono et René Char. On a même droit à quelques décrochages, dont une hilarante chasse à l’auteur de la pièce. Le tout est baigné d’un humour grinçant et absurde.

Avec cette création étonnante, Pascal Contamine sort de l’ombre de son frère de scène Wajdi Mouawad pour s’imposer comme un metteur en scène rassembleur, à surveiller de près. En programmant cette production, le Théâtre La Chapelle poursuit son excellent travail de diffusion du théâtre d’avant-garde. À voir rapidement, puisque l’établissement de la rue Saint-Dominique n’accueille ce cirque déglingué que pour dix représentations…

Jusqu’au 18 mars
Au Théâtre La Chapelle