Les Étoiles d’Angus : Art de vivre
Les Étoiles d’Angus joue sur le choc des cultures, et c’est un peu ce qu’on ressent d’abord devant cet univers rural issu des années 70.
Les Étoiles d’Angus
joue sur le choc des cultures, et c’est un peu ce qu’on ressent d’abord devant cet univers rural issu des années 70. Nous arrivant du Canada bardée de prix, la pièce de Michael Healey a la (trompeuse) simplicité et la naïveté touchante d’une chanson country. Amateurs de techno, passez votre chemin…
Passé ce premier arrière-goût de folklorisme qui baigne la coproduction du Théâtre les gens d’en bas et du Théâtre du Jour, le charme opère assez bien. Comédien de formation, Michael Healey a écrit une belle histoire, balançant entre un humour gentil mais efficace et une tendre humanité, entre l’art et la vie.
Participant à une création collective, un jeune acteur idéaliste s’incruste chez deux vieux fermiers afin de s’imprégner de leur réalité. Mais le fouineur Miles ne fait pas seulement l’apprentissage des durs travaux de la ferme, il découvre aussi le secret qui lie le pince-sans-rire Morgan au lent Angus, qu’une blessure de guerre a amputé de sa mémoire à court terme (une amnésie contrebalancée par un spectaculaire don pour les chiffres, un détail gênant car il nous rappelle trop l’autiste de Rain Man). Miles a tôt fait de se servir de cet élément pour sa pièce. Comme dans Hamlet (d’ailleurs cité dans le spectacle), la représentation servira de révélateur, dévoilant la vérité qui se cache derrière la fable…
Comme d’autres dramaturges avant lui (Michel Tremblay avec Le Vrai Monde?, Donald Margulies avec Droits d’auteur), Healey effleure la question du droit des artistes à s’approprier la vie des gens pour nourrir leur création. Mais l’essentiel est ailleurs. Dans la relation d’aide développée entre les deux fermiers. Dans le pouvoir salvateur conféré au récit. Celui que raconte tous les soirs Morgan à Angus, sorte de mythe fondateur de leur vie à deux. Comme le théâtre de Miles, l’art peut heurter, mais aussi faire du bien.
Entrecoupé de longs noirs qui en brisent un peu le rythme, le spectacle mis en scène sans flaflas par André Thérien laisse toute la place aux personnages. Si Stephan Allard, pas toujours crédible, joue surtout la carte comique de la maladresse – manuelle, mais aussi émotive – de Miles, Pierre Collin compose avec une belle sobriété un émouvant Angus. Et, avec sa voix profonde, ses manières abruptes, le Franco-Manitobain Jean-Louis Hébert impose une présence bourrue qui n’est pas sans évoquer celle de Claude Blanchard.
Enfin, il faut reconnaître à André Thérien la lumineuse idée d’avoir fait appel aux merveilleuses Kate et Anna McGarrigle pour composer la trame sonore. Une musique aux accents folk-country qui s’accorde parfaitement à cet univers simple, sobre et touchant.
Jusqu’au 31 mars
Au Théâtre Prospero