Les Nuits blanches : La vie comme un songe
Scène

Les Nuits blanches : La vie comme un songe

Quand le Théâtre français de Toronto a proposé à Jean-Stéphane Roy de mettre en scène Les Nuits blanches, de Dostoïevski, le jeune homme s’est mis à la recherche d’un filon lui permettant d’adapter ce court récit à la scène.

Quand le Théâtre français de Toronto a proposé à Jean-Stéphane Roy de mettre en scène Les Nuits blanches, de Dostoïevski, le jeune homme s’est mis à la recherche d’un filon lui permettant d’adapter ce court récit à la scène. Avec la traductrice Anne Nenarokoff Van-Burek, il a eu l’idée de dédoubler le personnage de Lui (François Grisé) en créant un alter ego plus âgé (Dennis O’Connor). Ce narrateur à la barbe blanche posera un regard attendri sur les tourments amoureux que lui aura infligés la belle Nastenka (Jessica Heafy)…

Ce choix teinte de nostalgie un récit qui, sous ses apparences d’histoire à l’eau de rose, en révèle beaucoup sur la complexité de l’âme humaine. Nastenka surgit par hasard dans la vie du jeune homme. Il s’en éprend immédiatement, même si elle l’a prévenu qu’elle était entichée d’un autre. Ils passeront ensemble trois nuits blanches, à partager leur vague à l’âme. C’est tout simple et, comme la plupart des histoires d’amour, on se doute que cela finira mal. Mais le soupirant de Nastenka n’en a cure, selon lui rien n’est plus précieux qu’une "minute de pleine béatitude offerte à un coeur solitaire"…

La présence quasi constante du narrateur sur scène accentue l’effet de décalage avec la réalité déjà présent dans le roman de Dostoïevski. Jean-Stéphane Roy a choisi de ne pas dresser de quatrième mur, et le narrateur s’adresse directement au public. L’effet sonore utilisé pour amplifier sa voix devient d’ailleurs rapidement agaçant. François Grisé déclame chacune de ses répliques avec emphase, d’un ton théâtral et avec des airs de dandy, tandis que sa partenaire de scène joue heureusement avec plus de retenue. Dennis O’Connor est un narrateur correct, particulièrement truculent lorsqu’il incarne la prude grand-mère de Nastenka.

Le jeune homme présenté dans cette oeuvre de jeunesse de Dostoïevski est un rêveur victime du spleen, qui craint de passer à côté de sa vie. Il s’agit d’un personnage complexe et torturé, précurseur des êtres esseulés qui peupleront la riche production littéraire du grand auteur russe. Mais ces subtilités psychologiques ne passent pas la rampe; François Grisé n’arrive tout simplement pas à rendre la profondeur et la richesse de l’âme tourmentée sur laquelle repose la pièce. Soulignons que la traduction et l’adaptation de la poète d’origine russe Anne Nenarokoff Van-Burek est toutefois d’une grande qualité.

Lors de sa première visite en sol montréalais l’an dernier, le Théâtre français de Toronto présentait à la salle Fred-Barry une audacieuse et désopilante Soirée Tchekhov placée sous le signe de la comédie. La compagnie, fondée il y a 32 ans, récidive donc dans le même lieu, avec le même metteur en scène, mais cette fois avec une production beaucoup plus (trop?) conventionnelle. Il faut dire que depuis quelques années, le public montréalais a eu droit à une véritable invasion russe, à une pluie d’adaptations imaginatives. La plupart d’entre elles dépassaient en originalité et en hardiesse ces trop sages Nuits blanches

Jusqu’au 24 mars
À la salle Fred-Barry