Paula de Vasconcelos : Moi et l’autre
Depuis 14 ans, Pigeons International marie la poésie des mots à celle des corps. La compagnie de recherche cofondée par Paula de Vasconcelos et Paul-Antoine Taillefer présente à l’Usine C sa huitième création: L’Autre.
Depuis 14 ans, Pigeons International marie la poésie des mots à celle des corps. La compagnie de recherche cofondée par Paula de Vasconcelos et Paul-Antoine Taillefer présente à l’Usine C sa huitième création: L’Autre. Un spectacle qui oscille, comme toujours, entre le théâtre et la danse mais qui s’inspire, cette fois, de la nature et de la culture foisonnante du Portugal. Attention, chaud devant…
"Il y a longtemps que j’avais envie de renouer avec mon pays natal, confie la conceptrice du spectacle. J’ai soumis un projet aux gestionnaires de la Fondation Gulbenkian (un organisme fondé avec la fortune léguée par un prince du pétrole), qui ont tout de suite accepté." Grâce au soutien de ce prestigieux organisme, qui consacre une partie de son budget aux projets à risque, deux interprètes portugais se sont joints à la production, qui sera aussi présentée là-bas.
À leur contact, Paula de Vasconcelos a eu une idée: faire de la rencontre le thème de son spectacle. Alors qu’elle s’était fortement inspirée des écrits de Sam Shepard pour créer Savage Love et Cruising Paradise, elle s’est cette fois plongée dans l’univers du Nobel José Saramago, dont un passage du roman Le Dieu manchot a servi de matériau de base à L’Autre. "C’est l’histoire d’une reine qui rencontre un ermite dans la forêt. Elle lui pose des questions sur ce que c’est, être une femme, et sur ce que c’est, être un homme."
Paula de Vasconcelos souhaite poser un regard philosophique sur "la dualité de la condition humaine". Interrogée sur l’importance qu’elle accorde aux relations hommes-femmes, elle cite en riant une entrevue de Pina Bausch. "Un journaliste lui dit: "Finalement, vous parlez toujours d’amour dans vos spectacles". Et elle répond: "Ah, je ne savais pas qu’il y avait d’autres thèmes!""
L’Autre a vu le jour dans un cadre enchanteur, celui d’une ferme de la campagne portugaise. Pas de téléphone, ni radio, ni télévision; durant deux semaines, Paula et les sept interprètes ont répété avec comme seuls compagnons des moutons et des oliviers! "Ç’a a été une expérience extraordinaire, un atelier très spirituel, parce qu’on était complètement exclus de la société. Tout ce qui restait, c’étaient les rapports humains, et les rapports avec la nature. J’ai eu l’impression que le travail émergeait de manière complètement différente." La metteure en scène se questionne: pourquoi n’existe-t-il pas, au Québec, de telles résidences isolées, où les artistes pourraient créer en paix?
Ces deux semaines de cohabitation ont aussi permis aux interprètes québécois (Céline Bonnier, Gregory Hlady, Heather Mah, Rodrigue Proteau, Paul-Antoine Taillefer) et portugais (Carla Ribeiro et Bruno Schiappa) de se rencontrer pour la première fois et de tisser des liens. "Le Portugal vit actuellement un boum, une période de renaissance économique et culturelle. Le pays est au début de quelque chose d’important, c’est perceptible partout. Je l’ai senti chez ces deux interprètes, qui avaient beaucoup de curiosité, le goût de se lancer, de découvrir…" Paula de Vasconcelos observe des similitudes entre ce Portugal en éveil et le Québec d’il y a une dizaine d’années, alors qu’ont émergé de nombreuses signatures fortes.
La codirectrice de Pigeons est emballée par cette coproduction, qui lui permet de renouer avec ses origines. "C’est un peu comme la rencontre de ma mère biologique et de ma mère adoptive. Le Québec m’a tout donné; mais j’ai tout de même envie d’en savoir plus sur l’endroit d’où viennent mes gènes. C’est comme si mes deux mères étaient assises pour la première fois ensemble dans mon salon et que je leur disais: je vous aime toutes les deux…"
Du 5 au 21 avril
À l’Usine C