Terrible et intense : Soudain l'été dernier
Scène

Terrible et intense : Soudain l’été dernier

Sur scène, en ouverture de pièce, conversation polie d’une dame âgée avec un médecin. Jardin ordonné, maison cossue évoquée par quelques éléments de décor: tout cela sent la richesse et les bonnes manières…

Sur scène, en ouverture de pièce, conversation polie d’une dame âgée avec un médecin. Jardin ordonné, maison cossue évoquée par quelques éléments de décor: tout cela sent la richesse et les bonnes manières. Dans ce cadre de beauté étudiée, tout semble parfait – ou presque; on le perçoit rapidement, cette harmonie grince et, en fond de scène, une verrière inclinée, à la perspective tordue, en présente la distorsion, comme le fait la jungle de plantes énormes, figurées par des tiges gigantesques de roses, aux épines menaçantes. Dans l’éclairage blanc, cru d’un après-midi du Sud seront révélés les monstres; la scénographie (Michel Gauthier) et l’éclairage (Denis Guérette) représentent efficacement, et de très belle façon, la difformité de ce monde. Car c’est un univers affreux que nous ouvrent Soudain l’été dernier de Tennessee Williams et sa metteure en scène, Françoise Faucher. Un monde à la fois barbare et policé: jardin élégant qui nourrit des plantes monstrueuses.

La dame distinguée, Violette Venable, aime furieusement son fils défunt, avec qui elle formait presque, elle le dit elle-même, un couple; son fils Sébastien, poète, est mort dans d’horribles circonstances; les Holly, belle-soeur et neveu complaisants, soumis à Mme Venable qui les méprise, dépendent de son bon vouloir et de son argent; enfin, la vieille dame tente de convaincre le médecin d’accéder à son sombre désir: faire subir à sa nièce Catherine, témoin de la mort de son fils, une lobotomie.

La pièce de Tennessee Williams est étrange, déroutante, moins touchante peut-être que sa Ménagerie de verre ou son Tramway nommé désir, mais d’une construction solide. La violence y est omniprésente et charpente la pièce, dans une métaphore où aimer et vivre équivaut à dévorer. De la plante carnivore se nourrissant de mouches au festin d’oiseaux déchirant de jeunes tortues, à peine écloses, sur la plage des Îles Galapagos, récit atroce qui préfigure celui de la mort de Sébastien, à la "fringale de blonds" du fils adoré, les images, fortes, nombreuses, évoquent un monde dont la violence atteint son paroxysme dans les relations humaines. Images d’horreur finement suggérée par la mise en scène et par le jeu de certains interprètes, dont Denise Verville (Mme Venable), Marie-Ginette Guay (Mme Holly) et Myriam LeBlanc (Catherine Holly), dans un rôle extrêmement difficile. Dans ses mises en scène, Françoise Faucher affirme vouloir mettre en avant la parole, le texte: elle y réussit parfaitement, avec ce morceau terrible et intense.

Jusqu’au 7 avril
Au Trident