Dorice Simon : Rire intime
Scène

Dorice Simon : Rire intime

On a dit de Dorice Simon qu’elle marchait sur les traces de  Clémence.

On a dit de Dorice Simon qu’elle marchait sur les traces de Clémence. Probablement parce qu’elle visite l’intime et le personnel, parce qu’elle conjugue l’absurde et la tendresse, et parce qu’elle ose, dans son one woman show, quelques chansons touchantes, hommages à son père et à sa mère. Probablement aussi parce que les femmes, en humour (refrain connu), ne sont pas légion.

Dorice Simon, qui entame une série de supplémentaires au Petit Medley, a étudié en musique, bifurqué vers le théâtre, pris des cours avec Charlotte Boisjoli et, sur ses conseils, presque malgré elle, décidé d’assumer sa fibre humoristique. Passage prévisible par l’École nationale de l’humour, il y a 10 ans. On l’a vue depuis, un peu, à la télévision; mais c’est l’été dernier, avec un premier spectacle présenté au Saint-Sulpice, qu’elle a commencé à faire parler d’elle. Assez pour figurer récemment parmi les finalistes, catégorie Découverte de l’année, au gala des Olivier. Dorice Simon n’a pas gagné le trophée; mais, tranquillement, elle a pris du galon. Et le bouche à oreille commence à fonctionner pour elle.

Cette humoriste, qui nous reçoit comme chez elle dans son décor de table de chevet, lampe-poupée, et photo encadrée, est un drôle de numéro. Femme sans âge (quelque part entre 30 et 50 ans, précise-t-elle), cheveux en broussaille, sourire gêné, formidablement attachante dans sa déconfiture, Dorice Simon se présente à nous dans toute sa vulnérabilité originale.

De l’amour, des relations hommes-femmes, de la politique ou de l’actualité, à l’inverse de tous les autres, elle n’en parle jamais. Pas plus qu’elle n’imite ou n’incarne de personnages. Ce qu’elle partage avec nous, ce sont ses souvenirs d’adolescente gardienne maladroite, ses déceptions de tragédienne incomprise, ses impossibles rêves hollywoodiens, ses inconforts de chenille qui essaie de devenir papillon, ses ratés de musicienne trop timide, sans oublier l’insistance d’une mère bienveillante, qui l’espère n’importe où à la télévision.

Mais, surtout, ce que déballe ce désarmant vilain petit canard, ce sont ses peurs et ses angoisses. Elles sont aussi immenses que nombreuses, mêlées de phobies et d’obsessions. Peur de déranger, peur de déplaire, peur d’avancer, peur de la mort, de la vie, peur de tout. Complexes et cauchemars étalés sans retenue, avec une petite voix qui tremble par moments, et des mains, on n’en doute pas, glacées par le trac. Et ça marche.

Cette femme rit d’elle, de nous à travers elle, avec un cynisme subtil et délicat. Nous rions avec cette espèce de grande soeur un peu vieille fille, de bon coeur et spontanément, parce que, mine de rien, cette timidité et cette maladresse cachent un redoutable procédé. Celui de l’affection immédiate et quasi totale. L’honnêteté qui fait fondre!

Il n’y a rien de spectaculaire chez Dorice Simon, à part cette indomptable crinière. Or, c’est justement tout ce qui est petit, timide, secret et malhabile chez elle qui, en éclatant de partout, touche, amuse et transporte… loin de l’ordinaire.

En supplémentaire les 7 et 25 avril
Au Petit Medley