L'Exil/L'Oubli : Chassé-croisé
Scène

L’Exil/L’Oubli : Chassé-croisé

L’Exil/L’Oubli: La magie met du temps à opérer.

Jean-Pierre Perreault vit ces jours-ci un grand

moment dans sa carrière. Le chorégraphe livre sa dernière oeuvre L’Exil/L’Oubli dans les lieux rénovés de sa compagnie, rue Sherbrooke Est. Des travaux de rénovation qui lui ont pris la tête sept ans durant.

Lieu de création et de production, l’Espace chorégraphique comprend aussi le studio Jeanne Renaud. Réservée à des spectacles de danse ou de théâtre, la vaste et profonde salle est idéale pour le style grandiose de Perreault. De plus, la proximité de la scène offre au public le sentiment de faire partie intégrante du spectacle. Pourquoi, alors, la magie de L’Exil/L’Oubli prend-elle tant de temps à opérer ?

Dansé pour la première fois au Festival international de nouvelle danse, à l’automne 2000, L’Exil/L’Oubli m’était apparu à ce moment-là à la fois familier et nouveau. Quiconque avait vu Joe, Eironos ou Les Années de pèlerinage notait parmi les points communs la fréquente utilisation des pas comme trame sonore. On pouvait aussi observer le même emploi d’un vaste espace scénique et de personnages mélancoliques, vêtus de sombres costumes de ville, souvent trop grands pour eux. Des éléments qui marquaient, voilà presque 20 ans, le grand succès de Perreault: Joe.

La nouveauté de L’Exil/L’Oubli se cache ailleurs, dans la scène dénudée des immenses fresques ambulantes, dans l’évocation picturale de plusieurs scènes chorégraphiques ou, encore, dans la puissance dramatique des duos ou des trios, qui se dégage surtout de la dernière partie du spectacle. C’est là que l’humanité de Perreault offre sa pleine mesure, et donne la chair de poule.

Toutefois, sa reprise n’a pas provoqué chez moi le même tourbillon d’émotions. Qu’on se le tienne pour dit: on ne va pas voir L’Exil/L’Oubli dans l’espoir de passer une soirée légère. Le ton est donné dès les premiers pas: dans des décors et des éclairages obscurs, les 16 danseurs traversent en silence la scène, la tête enfouie entre les mains, comme si le mauvais sort s’acharnait sur eux. On devine la solitude de ces êtres qui se côtoient sans se regarder, sans se toucher. La musique lancinante de Bertrand Chénier renforce ce sentiment de fin du monde, d’isolement. Peu à peu, hommes et femmes entreront en contact, mais la manifestation du besoin de l’autre restera souvent souterraine, un peu trop.

Ce chorégraphe, qui compte plus de 30 ans de métier, ne semble pas vouloir renouveler son langage gestuel. Il explore consciemment les mêmes univers depuis des années, en y ajoutant de nouvelles teintes. Mais il faut attendre presque la moitié du spectacle pour que ses mouvements nous accrochent le coeur. Jambes et pieds pointés vers le ciel, enlacements poignants ou minuscules pas rapides sont autant de gestes qui se gravent dans notre mémoire. En attendant, des longueurs se glissent ici et là, atténuant l’intérêt du spectateur.

Jusqu’au 21 avril
À l’Espace chorégraphique de la Fondation Jean-Pierre Perreault