L’Autre : Rencontre d’un soir
L’Autre , c’est le thème générique d’un spectacle inclassable qui confronte hommes et femmes, souverains et ermite, et qui fait cohabiter les langues et les arts de la scène.
L’Autre
, c’est le thème générique d’un spectacle inclassable qui confronte hommes et femmes, souverains et ermite, et qui fait cohabiter les langues et les arts de la scène. Une rencontre, sous les auspices de Pigeons International, qui se décline parfois avec fougue et humour, mais qui donne bien peu à mâcher au spectateur – et au critique…
La nouvelle création de Paula de Vasconcelos a beau parler quatre langues, ce ne sont pas vraiment les mots qui en forment le corps. Oscillant entre la danse et le théâtre, le spectacle présenté à l’Usine C enroule des scènes en mouvements et en musique autour d’un court extrait du Dieu manchot, roman de l’écrivain portugais José Saramago, sous la forme de conte mythique. On y voit une reine (Carla Ribeiro), en quête de la femme en elle, aller quérir la sagesse d’un ermite (Rodrigue Proteau), ce qui provoque la jalousie de son royal époux, un nabot (Paul-Antoine Taillefer, marchant sur les genoux…).
Mais ce n’est qu’un des récits morcelés qui composent ce spectacle éclaté explorant divers visages de l’altérité: depuis, très prosaïquement, l’accueil méfiant dont le fonctionnaire des douanes gratifie le voyageur étranger, jusqu’à l’autre qui sommeille en nous, en passant par les relations entre les sexes. Un thème privilégié de Paula de Vasconcelos, examiné ici notamment à travers l’amour douloureux et possessif d’un homme (Gregory Hlady) pour une femme-poupée (la toujours intense Céline Bonnier).
On devine, dans l’oeuvre de la créatrice des Bacchantes, une volonté de liberté chez les personnages féminins, et un désir de les retenir chez les masculins… On sent aussi, dans ce show où les acteurs s’ébattent sur un sol tapissé de fourrures (!), une envie d’exprimer une dimension rituelle, voire un certain primitivisme, où émergerait la vraie nature des êtres. Mais dans cette esthétique gentille, ça reste plutôt embryonnaire et superficiel…
Entre un début qui s’étire interminablement et une conclusion entraînante, défile un spectacle aussi ouvert que la plate-forme rectangulaire qui en constitue la scène (un espace qui n’est pas sans rappeler celui du Making of Macbeth, un show antérieur de Pigeons). Il y a une bonne dose de ludisme dans cette pièce où les objets tombent du ciel, où les interprètes traînent derrière eux des éléments de décor. Et certaines scènes réjouissantes. Mais disons que, dans l’ensemble, c’est bien mince…
Porté, voire noyé, de bout en bout par la musique de Bertrand Chénier, L’Autre est propulsé par des interprètes dynamiques (mentionnons également les danseurs David Rose et Heather Mah, ainsi que l’expressif comédien portugais Bruno Schiappa), mais dont l’énergie tourne un peu à vide.
Respirant le plaisir de jouer ensemble, la rencontre a visiblement été enrichissante pour eux. Pour nous, c’est une autre histoire…
À l’Usine C
Jusqu’au 21 avril