Le Long de la Principale : Théâtre de rue
À Montréal comme à St-Icitte, les "lendemains de mort" se ressemblent tous un peu. Ils sont à la fois risibles et noirs, à l’image de celui que Steve Laplante dépeint dans sa "comédie funéraire" Le Long de la Principale…
À Montréal comme à St-Icitte, les "lendemains de mort" se ressemblent tous un peu. Ils sont à la fois risibles et noirs, à l’image de celui que Steve Laplante dépeint dans sa "comédie funéraire" Le Long de la Principale… Une pièce étonnamment légère, qui se moque de la mort et plus particulièrement de l’étrangeté des rituels qui l’accompagnent. Ainsi, un peu comme au théâtre, il faut habiller, costumer et mettre en scène la "vedette" dans le plus beau décor possible (ici, un cercueil en pin qui ne jaunit pas), le temps d’une ultime représentation…
Une réalité absurde, dont le diplômé de l’École nationale de théâtre a fait une fiction tout aussi saugrenue. Quand son père "disparaît sur le plancher de la cuisine", Lui (Pierre Limoges) se réfugie chez Lamy (Audrey Lacasse), question d’encaisser le choc. La journée sera dure. Convaincu qu’il doit se rendre "ailleurs", là où son père s’est enfuit il parcourt la rue Principale, arrêtant pour "magasiner" le cercueil, recevoir des condoléances, etc. Le jeune homme croisera une galerie de personnages ameutés par l’événement. Un bon flash que d’avoir imaginé des êtres (comme Lamy, LaFamille et Leress Dumond) qui représentent à eux seuls tout un univers…
Comme dans Les Voisins, les énormités dites sur scène ont beau être ridicules, elles ont des allures de déjà entendu… Les interprètes excellent dans l’art de transformer des banalités ("Un père, ça se perd") en petits bijoux d’absurdité. Gary Boudreault est particulièrement truculent, tour à tour Vieux Chose, le patriarche du village, et Mononc, un bonhomme qui n’a rien à dire mais tient tout de même à le dire… Le comédien-chanteur n’a qu’à paraître sur scène pour que les rires fusent… Dominique Quesnel est impressionnante en LaFamille et, surtout, dans le rôle de Vendeuse de kit, une féroce femme d’affaires qui gagne sa vie avec la mort. Des fleurs au cercueil, en passant par les sandwichs et l’inévitable kit noir, cette dynamo de l’industrie de la mort se chargera d’"organiser" l’endeuillé… Autre interprétation de haut calibre: celle de Patrice Robitaille, dans la peau de Ti-Jean, l’homme à tout faire (même l’amour) du village, simplet mais efficace. En commère, Micheline Poitras offre une performance très correcte, tandis qu’Audrey Lacasse et Pierre Limoges jouent avec une retenue qui détonne.
Steve Laplante dépeint avec ironie, mais aussi avec une grande tendresse, les petits et les grands tracas que cause la mort d’un père parti trop jeune, trop vite, comme le sien. Écrite un an après le décès de son paternel, Le Long de la Principale a d’abord été jouée au Témiscamingue, en 1999, avant d’être remaniée par la metteure en scène Caroline Lavoie et l’équipe du Théâtre du Grand Jour. Résultat: du "théâtre de printemps" rythmé et ludique, joué dans un décor de bois tout simple, à l’image de cette production sans autre prétention que celle de faire un joyeux pied de nez à l’absurdité de la vie… et de la mort.
Jusqu’au 22 avril
À la Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui