Les Disparus : Le nombril du monde
À vue de nez, la pièce Les Disparus pourrait évoquer un improbable croisement entre Huis clos et The Odd Couple.
À vue de nez, la pièce Les Disparus pourrait évoquer un improbable croisement entre Huis clos et The Odd Couple. À la première oeuvre, le texte de Marie-Christine Lê-Huu pourrait notamment emprunter sa célèbre réplique "L’enfer, c’est les autres". Et, comme la seconde, cette satire légère mais assez rigolote joue sur l’un des ressorts les plus éprouvés de la comédie: le duo mal assorti. La première création montréalaise des Moutons Noirs – une compagnie très active dans la Vieille Capitale depuis 1992 – met en vedette des couples victime-bourreau, dont elle épingle autant la crédulité bébête des uns que la cruauté égocentrique des autres.
La première paire n’est pas loin du couple traditionnel du vaudeville: le cocu un peu benêt (Richard Fréchette) et son pseudo-meilleur ami, un manipulateur suintant l’assurance (Emmanuel Bilodeau) qui enrobe de bonnes intentions ses remarques assassines…
Davantage que ce tandem stéréotypé, jouant surtout sur une série de coups de théâtre finaux, c’est l’autre duo principal qui rend le spectacle intéressant. Greg (Kevin McCoy) a tôt fait de découvrir que son nouveau colocataire est du genre crampon pas futé, désireux de s’imposer dans sa vie – faute d’en avoir une à lui – et de tout régimenter dans l’appartement. Il trouvera une façon aussi imparable qu’impitoyable de se débarrasser du maniaque de l’hygiène…
Le spectacle doit beaucoup à la composition de Gérald Gagnon, pathétiquement drôle en hypocondriaque au timbre de voix éteint, au regard atone, au langage corporel à l’avenant. L’une des meilleures scènes le montre engagé dans un absurde concours de souffrances avec une dépressive campée par une Roxanne Boulianne survoltée et plutôt crampante, merci…
Jouant sur les contrastes, la mise en scène de Normand Daneau confère un style étonnant à l’ensemble, avec ses chansons vieillottes de vieux films comiques. Flirtant parfois gratuitement avec la caricature (l’intervention de la secte loufoque), le texte de Lê-Huu appuie ses démonstrations et tend à étirer certaines scènes au-delà du nécessaire.
Mais cette pochade grinçante dessine un monde partagé entre les croyances les plus farfelues et le cynisme le plus noir, où les relations humaines n’existent que pour permettre aux plus forts d’abuser des faibles afin de servir leurs propres intérêts. Un monde où dupes et fourbes rivalisent d’auto-apitoiement et d’insensibilité, tous trop tournés vers leur nombril pour voir autrui.
Bref, c’est pas parce qu’on rit que c’est drôle…
Jusqu’au 21 avril
Au Théâtre La Chapelle