Martin Faucher : L’enfance de l’art
Le metteur en scène Martin Faucher adore le monde de l’enfance. Depuis À quelle heure on meurt?, sa première création, en 1988, d’après l’oeuvre de Réjean Ducharme.
Le metteur en scène Martin Faucher adore le monde de l’enfance. Depuis À quelle heure on meurt?, sa première création, en 1988, d’après l’oeuvre de Réjean Ducharme, il cherche toujours des façons d’explorer le théâtre par le biais du monde ludique de l’enfance. "C’est un moment privilégié, dit Faucher. Dans l’enfance, tout est possible. Avec trois fois rien, tu peux tout évoquer! Le temps n’a pas d’importance; un été peut durer une éternité. C’est une période de découvertes et de réelle insouciance. Ça peut être dangereux, car il ne faut pas tomber dans la nostalgie, ou le passéisme. Mais, pour moi, le monde de l’enfance restera toujours à préserver."
Selon Martin Faucher, les grands metteurs en scène, de Robert Gravel à Peter Brook, ont tous en commun le côté simple et ludique de l’enfance. "Les grands spectacles ont toujours quelque chose qui rejoint l’enfance, une façon enfantine de raconter le monde. J’ai souvent l’impression de jouer dans un carré de sable quand je fais des mises en scène."
Pour L’Affaire Dumouchon, la toute dernière pièce de Lise Vaillancourt (Billy Strauss), qui prend l’affiche cette semaine au Théâtre de La Licorne, Martin Faucher n’aura pas eu besoin de creuser bien loin. La pièce parle de la famille, un thème infiniment riche et relié à l’enfance. "Après quatre ans d’absence loin des siens, Nathalie (Macha Limonchik), une artiste marginale, revient au pays où elle rencontre son père par hasard. Lui sera-t-il possible de renouer avec cette famille qu’elle a tenue à distance pendant plusieurs années? Elle tentera de répondre à cette question par le biais d’une enquête policière imaginaire qui met en cause la disparition d’une certaine Sylvie Dumouchon…"
L’Affaire Dumouchon ne fournit pas d’explications à la longue absence de Nathalie. Ce qui rend la chose encore plus universelle, selon Faucher, car tout le monde, un jour ou l’autre, a envie de s’éloigner de sa famille.
"J’ai été happé par le côté comique et triste de la pièce, et par la densité des personnages. J’avais le goût de fouiller leurs mystères souterrains. Qu’est-ce qui unit aussi solidement une famille? Pourquoi est-il si difficile de rompre avec elle? Est-ce de l’amour, de la filiation, de la culpabilité, ou le côté grégaire des humains…"
Au début, le metteur en scène jugeait assez sévèrement sa famille dramatique. Puis, il s’est rendu compte qu’elle n’était pas plus dysfonctionnelle que les autres. "À ce compte, il y a beaucoup plus de familles dysfonctionnelles qu’on ne le croit. Tous les enfants vivent un jour ou l’autre des blessures, des ruptures, des désillusions à cause de la famille. Au théâtre, on le voit avec les pièces de Tremblay, Bouchard et Boucher; c’est un thème riche et fascinant."
Outre Macha Limonchik, les autres membres de la famille sont Monique Miller (la mère), Denis Roy (le fils), et Vincent Bilodeau dans le rôle du père. Ce dernier a accepté de remplacer le comédien Jean Besré, quelques jours après son décès prématuré à la mi-mars. Car la famille, ce sont aussi ces terribles épreuves qui nous permettent de devenir plus grands. Dans la solidarité et dans l’amour.
Jusqu’au 19 mai
À La Licorne