Michel Rivard : La musique des mots
Scène

Michel Rivard : La musique des mots

Après avoir défendu Art de Yasmina Reza, MICHEL RIVARD remonte sur les planches pour jouer dans une autre pièce à succès en provenance de l’Hexagone: Variations énigmatiques d’Éric-Emmanuel Schmitt. Un spectacle à deux voix dans lequel le chanteur donnera la réplique à Guy  Nadon.

Deux semaines avant la première de la production montréalaise de Variations énigmatiques, c’est un Michel Rivard fébrile qui reçoit le représentant de Voir dans le hall du Théâtre du Nouveau Monde. "Je n’en reviens pas! Comment j’ai fait pour accepter de jouer en duo avec un grand acteur comme Guy Nadon. Heureusement, je me suis rendu compte, dès nos premières rencontres, que ce comédien n’était pas un monstre et qu’il était très généreux. Je le vois essayer des choses, douter et partager. Ça me rassure. Car moi aussi, en musique comme au théâtre, j’ai toujours l’impression d’être un étudiant en éternelle formation."

Bien sûr, Michel Rivard, créateur polyvalent, n’est pas étranger au monde du jeu. Il a été improvisateur pour la LNI dans les années 80; il a joué dans Les Enfants de Kennedy, il y a 20 ans; et, plus récemment, en 1997, dans Art au Théâtre du Rideau Vert. "Je n’ai pas de formation en art dramatique. J’ai appris sur le tas. Mon père était comédien (Robert Rivard). Donc, déjà très jeune, j’ai eu accès à des petits rôles à la télévision… Et après, j’ai étudié au Collège Sainte-Marie et j’ai fait partie des troupes de théâtre, de créations collectives, comme La Quenouille bleue, avec de jeunes copains qui se nommaient Serge Thériault, Gabriel Arcand, Jean-Pierre Plante…"

Mais si le chanteur a accepté l’offre du metteur en scène Daniel Roussel de remonter sur les planches, dès le 24 avril au TNM, c’est parce qu’il a eu la piqûre avec Art. "J’ai retrouvé le goût de jouer. J’ai apprécié chaque seconde de ce moment-là. J’ai rarement dû défendre des textes qui n’étaient pas de moi. Je suis toujours l’interprète de mon propre univers. Alors, quand je suis l’interprète d’un auteur, d’un metteur en scène, et tous ces intervenants déposent leur couleur, le défi est autre. Mon défi n’est plus de faire passer mon univers à moi. Mais d’être au service d’un texte. Et j’aime bien ça."

Michel Rivard avoue aussi choisir le théâtre parce qu’il a toujours aimé mener sa carrière à sa façon. "Je suis le cauchemar des gérants et des attachés de presse. Quand ça va bien à gauche, je tourne à droite. Parce que je trouve ça plus excitant d’aller à droite. Et quand tout le monde pense que je suis définitivement à droite, je tourne à gauche. J’ai toujours eu une tête de cochon. Mais ça ne m’empêche pas d’être un gars sympathique (rires).

Les choses de la vie
L’ex-chanteur de Beau Dommage pourrait aussi ajouter que si un artiste ne se renouvelle pas, au Québec, il est condamné à périr dans la nostalgie. Mais il y a autre chose: la pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt, Variations énigmatiques, met en scène une de ces rencontres que le destin (ou le hasard) a l’habitude de jeter sur le chemin de l’existence. "Ma vie n’est que ça, dit Michel Rivard, une série de rencontres (humaines ou artistiques) déterminantes, qui sont arrivées par hasard, et que j’étais prêt à recevoir. D’ailleurs, ma devise est tirée d’une chanson de John Lennon qui dit: Life is what happens, when you’re busy making other plans…"

Depuis sa création au Théâtre Marigny, à Paris, en 1996, avec Alain Delon et Francis Huster, Variations énigmatiques est la pièce de Schmitt ayant connu le plus de succès, avec Le Visiteur. Elle raconte donc une rencontre inusitée entre un petit journaliste d’un canard obscur et un Prix Nobel de littérature, qui vit en solitaire sur une île de la mer de Norvège. Entre les deux hommes, les choses se compliqueront très vite et les révélations se succéderont. On découvre que le journaliste n’en est pas un, et que les deux hommes sont hantés par une même femme, avec qui l’écrivain a entretenu une longue et passionnée correspondance. "Qui aime-t-on vraiment quand on aime? Un corps? Un ensemble? L’amour lui-même? demande l’auteur dans le programme à propos du sujet de sa pièce.

"La première chose qui m’a séduit, c’est l’intelligence du texte, explique le comédien.

Schmitt est un philosophe et un homme brillant. Il y a beaucoup d’esprit dans sa pièce. Il y a aussi le côté suspense qui a plu au fan de Hitchcock en moi. Les personnages savent des choses que l’autre ne sait pas et que le public découvre avec eux dans une espèce de jeu du chat et de la souris. Et finalement, j’ai adoré le personnage que je dois défendre. Érik Larsen (le mystérieux journaliste) me ressemble quelque part. Notamment, dans son rapport à l’engagement amoureux et à la fidélité. Je suis quelqu’un d’assez pessimiste face à l’état actuel du monde. Mais je garde espoir car je crois à la force de l’amour."

Le titre de la pièce est inspiré des Variations énigmatiques du compositeur britannique Edward Elgar. Tant dans le contenu que dans la structure, Michel Rivard, Guy Nadon et Daniel Roussel ont été conquis par l’alchimie de ce texte qui nous emmène sur une piste pour mieux nous tromper. "Plus on travaille ce texte, dit l’acteur, plus on s’aperçoit que ce ne sont que des énigmes et que la vérité nous échappe constamment. Quand on croit saisir la vérité, il arrive subitement quelque chose pour nous faire changer d’idée… Chaque fois, les raisons se devinent, s’esquissent, puis disparaissent…

"J’aime bien cette logique, conclut Michel Rivard. Car, dans la vie, je me méfie des gens qui ont toutes les réponses. Je sympathise plutôt avec les personnes qui posent les bonnes questions."

Du 24 avril au 20 mai
Au Théâtre du Nouveau Monde