Nathalie Derome : Double identité
Il y a deux Nathalie Derome. Une dualité qui prend tour à tour le dessus chez la performeuse et artiste interdisciplinaire: la militante et la rêveuse.
Il y a deux Nathalie Derome. Une dualité qui prend tour à tour le dessus chez la performeuse et artiste interdisciplinaire: la militante et la rêveuse. "Je suis très contemplative, mais parfois, je peux m’offusquer et me mettre à gueuler, explique-t-elle. En ce moment, je suis plus rêveuse. J’alterne. J’en fais un spectacle fâché, un spectacle content."
"Rêve ambulant très visuel, un peu surréaliste", sa nouvelle création, Du temps d’antennes, tend plus vers le poétique que le politique. Conçu notamment en collaboration avec le sonorisateur Bernard Grenon et l’artiste Yvon Proulx, ce spectacle en chansons et en paroles métisse différents médiums. Nathalie Derome s’accompagne d’une panoplie de petits objets et de vieux jouets d’enfants, trafiqués et détournés de leur fonction originelle pour servir d’instruments…
"C’est une espèce de voyage dans le temps et dans l’espace, résume l’artiste. Au début du spectacle, je dis: "Si c’est vrai que le temps égale l’espace, imaginez l’espace qui nous reste, maintenant!" On n’a plus le temps d’arrêter pour juste être, juste réfléchir. Dans le milieu artistique aussi, on est pris avec ça: produire, mettre nos tripes sur la table de la façon la plus efficace possible."
Du temps d’antennes signifie justement s’arrêter pour laisser jaillir l’intuition, sentir les choses et voir le monde d’une autre façon. "C’est un peu ce que j’essaie de faire. Parfois, je dis que c’est un show homéopathique: qui soigne un poison mais à petites doses. Ce sont des petites scènes reliées les unes aux autres."
La créatrice des 4 ronds sont allumés voulait travailler sur la notion du territoire. "C’est un thème qui m’a accompagnée dans tous mes spectacles. J’ai toujours parlé de ça, au fond. Ça m’habite vraiment. Sans doute à cause de l’identité, qui est un problème national. Ça fait partie de notre inconscient collectif, le territoire. Et je trouve que l’identité, ça a rapport avec la frontière de soi."
Nathalie Derome a loué les anciens locaux du Centre d’artistes Copie-Art pour construire ce spectacle intimiste, à "l’échelle humaine", qui sera créé dans ce même petit espace, rénové pour l’occasion. "Je veux traiter du territoire de l’intime: quelle est ma frontière à moi, la tienne, où on se rejoint, de quelle façon on reste chacun sur son territoire, comment on fait pour s’approcher davantage…"
Tout ça à l’heure où le concept d’intimité est transformé par la prépondérance des nouvelles technologies. "Je pense qu’on a de plus en plus de mal à être intimes. On peut facilement être à distance. Je trouve que c’est grave. On va être de plus en plus seuls et isolés, parce que, d’une certaine façon, on n’a plus besoin d’entrer en contact avec les autres. On a du mal à s’ouvrir, je trouve. Même sans la technologie, communiquer, se livrer, faire face vraiment à ce qu’on est, à ce qu’on ressent au quotidien, c’est difficile pour tout le monde."
La performeuse s’intéresse aussi à la frontière qui sépare le privé et le public sur scène, aux jeux de passage entre les moments où l’artiste est elle-même et ceux où elle se cache derrière un personnage. Nathalie Derome estime se révéler beaucoup dans ses spectacles. "Ça m’angoisse toujours, d’ailleurs. Mais ça aussi, je pense que c’est le rôle de l’artiste: être le plus transparent possible. Les artistes sont là pour créer une énergie et la faire circuler. On est l’eau du courant."
Du 25 avril au 6 mai
Au 813, rue Ontario Est