François Létourneau : Go west
Scène

François Létourneau : Go west

La trajectoire de François Létourneau semble placée sous une conjonction d’heureux hasards.

La trajectoire de François Létourneau semble placée sous une conjonction d’heureux hasards. Ce bachelier en philosophie politique se destine à une carrière d’universitaire quand il va donner la réplique à un ami, lors d’une audition au Conservatoire d’art dramatique. Coup de théâtre: le directeur Normand Chouinard le remarque et l’encourage à se présenter lui-même l’année suivante…

En sortant du Conservatoire, le jeune comédien écrit une pièce, "juste pour le plaisir". Un texte qui tombe entre les mains de Claude Poissant, lequel décide de le créer pour le PàP. François Létourneau ne regrette pas son ex-future carrière… "Je réalise que ce que j’aimais à l’université, c’était l’écriture. La philosophie était un peu un prétexte. Quand j’écris, j’ai l’impression que je peux combiner deux facettes de moi: le côté plus cérébral, et le plus sensible."

Interprété par Létourneau lui-même Patrice Robitaille (pour qui les rôles ont été écrits), Stéphane Jacques et Dominique Quesnel, Stampede raconte le voyage cauchemardesque de deux employés d’une "compagnie de viande", en route vers Calgary dans l’espoir de retrouver une danseuse de club dont l’un d’eux est amoureux. Avec sa narration en désordre chronologique, la pièce emprunte la forme d’un puzzle à reconstituer.

"Je voulais écrire une pièce sur la perception, explique l’auteur. Cette histoire est racontée par trois personnages, dont on se rend compte bien vite qu’ils ne disent pas tout à fait la même chose. Va-t-on arriver à savoir ce qui s’est passé durant ce voyage? Peut-être pas, parce qu’on est prisonniers des perceptions des personnages, et des nôtres aussi."

L’ex-étudiant en philo s’est inspiré des écrits de George Berkeley, théoricien de l’immatérialisme selon lequel il n’existe aucune preuve de l’existence réelle des choses, puisque tout passe par le prisme de nos perceptions. À l’arrivée, François Létourneau a plutôt écrit "une comédie de printemps, à la fois légère et lourde", qu’il assure pas didactique pour deux sous, sur l’étrange culture du festival de rodéo, la mythologie du cow-boy.

Un Ouest canadien imaginaire puisque Létourneau n’y a jamais mis les pieds.

"C’est une pièce sur le fantasme, aussi. Plus ça va, plus on se rend compte que les personnages ne font plus la différence entre leurs fantasmes et ce qui s’est réellement passé. Comme tout le monde, il arrive souvent que la réalité ne me satisfasse pas. On a besoin de rêver. C’est aussi le drame de mes personnages: ils évoluent dans un monde étrange, un peu alinéant, où l’on rêve de Calgary, où tout est country. Ils ne se reconnaissent pas dans cette réalité-là, alors ils sont d’autant plus poussés à se réfugier dans le fantasme, à décoller de la réalité, d’une façon un peu épeurante."

Un fantasme également d’ordre sexuel, Stampede se déroulant beaucoup dans des bars western de danseuses (!). "J’aime ces univers chargés sexuellement", admet le jeune auteur, dont la seconde pièce, Cheech – qui va faire l’objet d’une lecture publique pendant le FTA -, gravite autour d’une agence d’escortes. "J’aime décrire ces mondes un peu laids et aller en chercher la beauté et l’humanité." Une question de perception, encore une fois…

Du 8 mai au 2 juin
À la Salle 2 de l’Espace Go