Je suis un saumon : À contre-courant
Chaque soir, entrant en scène pour jouer son spectacle solo, PHILIPPE AVRON affirme: "Je suis un saumon". D’où vient pareille idée? Le comédien français explique la métaphore, et sa vision du théâtre.
"Le saumon est un grand voyageur; pour moi, il représente aussi les migrateurs, que j’aime bien, explique Philippe Avron. Comme je viens d’une famille de marins, la mer m’est familière, presque plus que la terre. Et chez nous, le poisson a toujours eu une grande valeur; une valeur esthétique, même. "
D’où le recours, naturel chez lui, à un représentant de la gent marine comme allégorie du mouvement de la vie. "Le saumon est pour moi un symbole: chez nous, il part de France, va jusqu’au Groenland, puis il revient sur les lieux de son enfance, pour l’amour et la mort. C’est un peu comme le comédien. Quand vous jouez Dom Juan ou Hamlet, vous savez que, en trois heures, vous allez jouer la vie et la mort d’un être."
Le saumon symbolise le parcours de l’acteur; mais il est aussi image de la vie humaine. "Le saumon remonte à contre-courant, afin de retrouver les odeurs de quand il était petit. Sa remontée est très dure; c’est une lutte, un combat; le symbole du désir : d’aimer, de se reproduire, d’exprimer une oeuvre."
Créé en 1998, honoré en 1999 du Molière du meilleur spectacle solo, Je suis un saumon, écrit, mis en scène et joué par Philippe Avron, raconte la grande traversée de quelques copains saumons, "de l’enfance à la danse nuptiale". Ce parcours plein de poésie, de simplicité et d’humour est porté par les mots et les gestes d’un comédien récemment décoré de la Légion d’Honneur, ayant joué des auteurs immenses, sous la houlette de grands metteurs en scène.
Après plus de 40 ans de carrière, qu’a observé Philippe Avron?
"Au théâtre, on joue; quand on est mort, on se relève et on salue à la fin. On sait très bien qu’on fait semblant. Mais ce n’est pas un rapport de mensonge; comme dans le jeu de l’enfant, on se projette et en même temps, on se donne des règles. "On dit qu’on serait", comme disent les enfants chez nous; et le public suit. "C’est vous qui mettez la couronne sur la tête de nos rois, les perles dans les cheveux de nos fées", écrit Shakespeare; on donne au public un rôle dans ce jeu. Et ce jeu est un jeu supérieur; car jouer, c’est se remettre en question. C’est aussi la valorisation de l’instant. Enfin, la création, née du rapport des acteurs avec chaque spectateur, avec les désirs et les fragilités de chacun, est une chose vivante, unique." Périlleuse, comme l’est la traversée du saumon, mais aussi nécessaire que son instinct.
Jusqu’au 5 mai
Au Théâtre Périscope
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