Philippe Découflé : Le magicien de l’Hexagone
L’enfant terrible de la danse contemporaine en France, PHILIPPE DÉCOUFLÉ, échappe encore aujourd’hui à toute étiquette. Il sera à Montréal la semaine prochaine, avec son spectacle Shazam!, qui clôturera la série Danse Danse au Centre Pierre-Péladeau.
Depuis sa longue escale à New York, au début des années 80, où il a appris la danse auprès de Merce Cunningham et Alwin Nikolaïs, le Français Philippe Découflé cumule les succès comme d’autres, les timbres. Très vite, le jeune artiste développe un langage chorégraphique plus visuel que technique qui ne trouve son pareil nulle part ailleurs.
S’inspirant de l’approche de l’Américain Nikolaïs, un des pionniers de la danse, des images et des illusions, le jeune Découflé livre à son retour en France des personnages colorés (légumes, insectes, microbes, etc.) dans des décors en trompe-l’oeil. En 1992, sa participation à la cérémonie d’ouverture des Jeux d’hiver d’Albertville, où il embellit à sa manière les pas de 2000 participants, fait par la suite courir son nom sur les lèvres des directeurs d’agences de publicité ou de télé. Le Français génial touche à tout mais en se réservant du temps pour la création chorégraphique.
Désigné par la presse française comme l’enfant terrible de la danse contemporaine, Découflé échappe encore aujourd’hui à toute étiquette. "J’essaie à ma manière de briser les limites entre les différentes formes d’art qui m’intéressent. Être inclassable, c’est plutôt pratique, ajoute-t-il en souriant. Ça donne beaucoup de liberté, car je peux orienter mes recherches dans plusieurs directions sans que personne ne s’étonne."
Cirque, danse ou cinéma?
La lecture de son dossier de presse laisse croire que son travail foule le même sentier que celui du Cirque du Soleil. Erreur. S’il est vrai que son spectacle Shazam!, qui clôturera la semaine prochaine la série Danse Danse au Centre Pierre-Péladeau, est construit comme une succession de numéros de cirque, l’expérimentation demeure toujours à l’avant-scène. Pour la réalisation de ce spectacle, le chorégraphe a uni ses grandes passions: le cinéma, la danse et la musique. "D’un côté, c’est un spectacle assez pointu et expérimental; de l’autre, c’est un truc un peu simple, populaire et facile à regarder."
Mais ce qui importe le plus pour cet éternel adolescent, c’est de faire rêver le public. Et ça marche: ce dernier est vite ébloui par les acrobaties ou la technologie déployées, ému par la poésie qui découle des séquences, ou encore, il sourit aux bons mots des interprètes. "Chaque spectateur a la possibilité de monter sa propre histoire, et ça doit se faire avec une certaine légèreté", explique le chorégraphe.
La première ébauche de Shazam! fut réalisée dans le cadre des célébrations du 50e anniversaire du Festival de Cannes. Découflé monta un court spectacle de danse qui rendait hommage au cinéma. Plus tard, il ajoutera une dimension fantasmagorique au projet: il précisera les atmosphères, et les danseurs avec lesquels il travaille depuis des années imagineront les mouvements. "J’accorde beaucoup de temps à la création, et ensuite, la compagnie part en tournée où la création continue de se faire."
Quatre musiciens jouent en direct une musique qui marie violon, saxophone, percussions, piano et accordéon. "J’utilise de vieux trucs de magie comme des effets d’apparition, de disparition et de transparence. J’ai aussi voulu jouer avec le vrai et le faux", explique Découflé. Et, contrairement à ses dernières oeuvres, le chorégraphe a rangé décors et costumes sophistiqués dans les placards, misant plutôt sur la technologie du cinéma. "Il y a eu un effet pervers aux Jeux d’Albertville: j’ai été copié et mal copié. Quand vous faites quelque chose parce que vous en ressentez la nécessité et que quelqu’un récupère vos images sans vraiment les maîtriser, ça galvaude votre travail. Du coup, j’ai arrêté de développer l’univers purement graphique."
À Montréal, le chorégraphe prévoit prendre la place d’un danseur absent à la dernière représentation. "D’habitude, je fais une courte improvisation au début du spectacle. Ce remplacement me fait un peu peur parce que je n’aurai pas eu le temps de me réchauffer, mais bon… comme je connais bien la pièce, ça devrait aller."
La semaine dernière, Shazam! faisait escale à New York au prestigieux Brooklyn Academy of Music (BAM) dans le cadre du France Moves. Un festival qui met en vedette 10 chorégraphes français parmi les plus en vue (Maguy Marin, Boris Chamatz, Josef Nadj, Angelin Preljocaj, entre autres). Découflé était content d’offrir enfin son travail dans la ville qui fut longtemps un passage obligé pour de nombreux danseurs français. "Mes influences sont autant les gens qui se promènent dans la rue que l’enseignement de Nikolaïs ou de Merce Cunningham."
Après New York et Montréal, viendra Barcelone. Ensuite, ce sera la fin du spectacle. Contrairement à ses collègues qui souhaitent entretenir un répertoire, Découflé dirige son regard vers l’avenir. "Ce serait impossible de reprendre ce spectacle avec d’autres interprètes, car c’est quelque chose qu’on a créé et fait vivre ensemble. Il faut maintenant s’arrêter; les rapports entre les gens commencent à s’user."
Le chorégraphe, qui travaille comme un forcené depuis une bonne dizaine d’années, entend prendre une sabbatique de la danse. Mais n’allez pas croire qu’il va se tourner les pouces, car il souhaite réaliser un long métrage l’année prochaine. En attendant, il monte Shazam! en DVD. Qu’arrivera-t-il de ses danseurs? "C’est sûr qu’en arrêtant, je prends un gros risque. Le jour où je voudrai recommencer, je ne sais pas si je les retrouverai. On verra bien…"
Du 10 au 13 mai
À la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
L’Espace dynamique de Perreault
Les affaires roulent rondement depuis l’ouverture de l’Espace chorégraphe (2022, rue Sherbrooke Est). Après L’Exil-Oubli de Jean-Pierre Perreault, qui a tenu l’affiche un mois durant, quatre couples de chorégraphes et d’architectes prendront d’assaut chacun leur tour les spacieux lieux. Ainsi, le 5 mai, des danseurs de Perreault exécuteront les mouvements de Danièle Desnoyers dans des décors de l’architecte Pierre Thibault. Le 12 mai Hélène Blackburn et les Ateliers in situ prendront la relève. Le 9 juin, ce sera au tour d’Estelle Clareton et des Ateliers Big City. Enfin, Louise Bédard et Steve Davies clôtureront la série le 16 juin. Info: 525-2464