Variations énigmatiques : L'amour en fuite
Scène

Variations énigmatiques : L’amour en fuite

"La vie sépare ceux qui s’aiment", chantait le poète. Éric-Emmanuel Schmitt en fait une brillante illustration dans sa pièce Variations énigmatiques.

"La vie sépare ceux qui s’aiment", chantait le poète. Éric-Emmanuel Schmitt en fait une brillante illustration dans Variations énigmatiques. Jusqu’au 20 mai, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) propose une nouvelle production de cette pièce créée à Paris, en 1996 (avec Alain Delon et Francis Huster), et reprise depuis à travers le monde.

Variations énigmatiques, c’est la rencontre de deux solitudes dans le cadre d’un duel verbal à la fois tendre et cruel. Dans le coin droit, Abel Znorko (homme cynique et misanthrope, mais brillant écrivain détenteur d’un prix Nobel), qui vit seul sur une île dans la mer de Norvège. Dans le coin gauche, Erik Larsen (journaliste sans ambition et individu assez terne), qui se rend au domicile de Znorko afin de réaliser une entrevue pour une gazette locale. Tout sépare ces deux hommes. Et pourtant, à coups de révélations étonnantes, ils se découvriront beaucoup de choses en commun.

S’il ne s’agit pas de la meilleure pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt (j’ai préféré Le Visiteur), c’est peut-être sa plus surprenante. Elle commence assez lentement, avec de longues répliques très littéraires et songées. Puis, les dialogues deviennent passionnés, les échanges, musclés; finalement, coup de théâtre, les révélations troublantes se précipitent (l’auteur du Libertin a écrit l’un des meilleurs punchs que j’aie pu voir au théâtre!). Et dans le finale, d’une grande beauté visuelle (le décor est de Martin Ferland, et la vidéo, de Francis Laporte), la pièce se conclut dans un vibrant hymne à l’amour.

Car, malgré ses nombreux thèmes (la littérature, la vérité, la mort, la maladie), Variations énigmatiques ne répète qu’une chose très simple: il faut aimer. Qu’importe comment ou pourquoi, avec qui, ou pour combien de temps: il faut aimer absolument et inconditionnellement. Un message universel qui touchera sûrement un large public ici et ailleurs.

La mise en scène de Daniel Roussel est dans l’ensemble assez bonne. Mais sa direction d’acteurs est inégale. Guy Nadon prouve à nouveau qu’il est un grand comédien fait pour de grands rôles. Son Znorko est bouleversant, grandiose, shakespearien.

La comparaison avec Michel Rivard est difficile, puisque ce dernier n’a pas l’expérience et la formation en art dramatique de Nadon. En acceptant de relever ce défi, Rivard a fait preuve de courage et de détermination. Malheureusement, son jeu n’est pas à la hauteur de la pièce. L’interprète ne parvient pas à rendre son personnage humain, vrai et attachant.

Si Erik Larsen est "drabe", l’acteur qui le défend ne doit surtout pas l’être. Or, Michel Rivard semble mal à l’aise dans ses déplacements. Il a les mains dans les poches de sa veste durant le tiers du spectacle (même durant son monologue passionné sur l’amour…)! Roussel aurait pu profiter des qualités de cet interprète (son charisme, son naturel, sa sincérité) pour que Rivard compose un personnage certes timoré, mais touchant et incarné.

Malgré ces réserves, Variations énigmatiques demeure une excellente production. Cette confrontation entre deux hommes nous donne des moments graves et d’autres comiques. Elle stimule autant le coeur que l’esprit.

En somme, pour clôturer sa saison, le TNM propose un théâtre populaire et raffiné. Un théâtre où l’intelligence est au service de l’émotion. Pourquoi s’en priver?

Jusqu’au 20 mai
Au TNM