Et Marianne et Simon : La fureur de vivre
Invitée par Danse-Cité à présenter au Théâtre La Chapelle une toute nouvelle création, la chorégraphe Catherine Tardif s’est lancé le défi de réunir, en un même spectacle, 10 interprètes, pour 10 solos différents, conçus sur 10 pièces originales, oeuvres de… 10 compositeurs d’ici et maintenant.
Invitée par Danse-Cité à présenter au Théâtre La Chapelle une toute nouvelle création, la chorégraphe Catherine Tardif s’est lancé le défi de réunir 10 interprètes, pour 10 solos différents, conçus sur 10 pièces originales, oeuvres de…10 compositeurs d’ici et maintenant.
Il ne s’agit pas, comme on pourrait le croire, d’un déferlement aux allures de puzzle, ou d’une simple démonstration pour faire étalage des spécificités de chacun; mais bel et bien d’un spectacle dont l’unité, évidente, ravit le spectateur.
Et Marianne et Simon, c’est un peu comme la Cour des Miracles de Victor Hugo: une gare de fin du monde où traîneraient des marginaux désolés; ou encore, pourquoi pas, un refuge, un asile, une prison.
Les personnages, a tour `de rôle, viendront danser leur désespoir. Parmi eux, un homme en pyjama rayé (Peter Trosztmer) trépigne, tout en convulsions, et se déplie comme une poupée mécanique. Une somnambule en bleu (Anne Lebeau) tente, en tournoyant, une valse approximative. Tout de blanc vêtu, chaussé de pantoufles en peluche à tête de chien, Miko Sobreira se déhanche pour exorciser sa colère. En manteau de fourrure, Sophie Corriveau nous interpelle dans un douloureux langage des signes alors que Lucie Boissinot (qui danse sur l’infiniment jolie chanson La Vieille dame interprétée par Jean Derome) s’ébroue sous nos yeux, prise d’un grand frisson, dans sa petite robe kaki à bretelles et ses bottes de caoutchouc. Il y a aussi cet homme aux souliers "propres" (Sylvain Lafortune) qui, de ses bras, fera des hélices; ou cette femme (Maryse Poulin) paralysée devant son fauteuil de rotin…
On est touché par la vulnérabilité de tous ces êtres qui, sans aucune retenue, exposent leurs fragilités. On devine, on ressent leurs chagrins. Dévastatrice est leur solitude, souffrante est leur exclusion. Et pourtant, au centre de toutes ces douleurs, perce, gicle et jaillit l’humour désarmant que Catherine Tardif a imprimé à ce spectacle.
Par un sourire en coin, des yeux qui roulent, des sourcils froncés, des points d’interrogation dans le regard, ou dans un commentaire échappé (et avec toutes ces chaussures aussi étranges que rigolotes!), chaque personnage réussit, à un moment donné, à transformer le drame en tragicomédie. La galerie de portraits est émouvante, mais aussi pleine de vie, radieuse, ironique et moqueuse.
Si les 10 solos savent si bien s’entrelacer, c’est aussi parce que Michel F. Côté a veillé, non seulement comme compositeur, mais à titre de coordonnateur sonore, à ce que les différentes compositions, toutes originales, s’harmonisent dans l’esprit du spectacle. Parmi les créations à souligner: le zapping étonnant et amusant que signe Martin Tétreault, le magnifique piano de Rober Racine, le chant des grillons (?) d’Alexandre St-Onge, la voix si bellement nasillarde de Michel Faubert, les envoûtantes ambiances de Pierre Bastien.
Partie d’un travail en "courte-pointe", la chorégraphe Catherine Tardif est arrivée à un spectacle tout à fait homogène, dont les deux grands axes, désespoir et fureur de vivre, se questionnent et se répondent aussi habilement que ludiquement. Voilà de quoi nous réjouir.
Jusqu’au 12 mai
Au Théâtre La Chapelle