Paul Lefebvre : Éloge de la folie
Scène

Paul Lefebvre : Éloge de la folie

Metteur en scène, traducteur, professeur de théâtre et directeur littéraire du Théâtre Denise-Pelletier (jusqu’à ce printemps), Paul Lefebvre est un touche-à-tout de la chose  théâtrale.

Metteur en scène, traducteur, professeur de théâtre et directeur littéraire du Théâtre Denise-Pelletier (jusqu’à ce printemps), Paul Lefebvre est un touche-à-tout de la chose théâtrale. Après 20 ans de travail en coulisses, il vient tout juste d’être repêché par Denis Marleau, qui lui a offert de le seconder à la direction du Théâtre français du Centre national des arts d’Ottawa. En attendant de jouer le bras droit dans la capitale nationale, l’infatigable homme de théâtre signe à l’Espace Geordie l’adaptation et la mise en scène du Journal d’un fou, de Nicolas Gogol.

Ce n’est pas d’hier que la triste histoire d’Avksenty Ivanovitch Poprichtchine fascine Paul Lefebvre. "Je me souviens d’avoir lu le texte vers 13 ans. À cet âge, la seule chose que j’en avais retenue, c’était l’intensité de l’histoire d’amour!" C’est sans hésitation qu’il a plongé dans l’aventure proposée par le comédien Jean-Robert Bourdage. Publié dans le recueil Arabesques, Le Journal d’un fou n’était pas destiné à être joué sur scène. Comment rendre vivante la lecture d’un journal intime? Secondé par la russophile Anne-Catherine Lebeau, Paul Lefebvre a fait un patchwork des traductions existantes pour obtenir le texte le plus dynamique possible.

Le Journal d’un fou raconte l’histoire d’un fonctionnaire du XIXe siècle, qui s’évade par la psychose d’une réalité insupportable. Issu de la petite noblesse mais ruiné, Poprichtchine est obsédé par sa visite hebdomadaire chez le gouverneur. Responsable de tailler les plumes d’oie de l’homme d’État, il en profite pour reluquer sa fille. "Bien que relativement court, Le Journal… est d’une justesse effrayante quant au développement d’une psychose.". Il faut dire que Gogol sait de quoi il parle: il finira sa vie exactement comme son personnage, victime des tortures médicales imposées aux aliénés…

"J’ai une conviction: la folie est d’abord et avant tout une souffrance. Ce qui m’intéresse, c’est son évolution, pas son côté spectaculaire." Paul Lefebvre parle avec pudeur de sa fascination pour la démence. "Disons que c’est probablement parce que ma propre santé mentale est quelque chose que je sais être frêle! De plus, la folie permet une lecture étonnante du réel. Ainsi, dans Le Journal…, on passe d’un discours complètement délirant à une critique sociale d’une justesse effrayante."

"Nous vivons à une époque qui produit des fous de la même façon que le Moyen-Âge sécrétait des hérétiques. Le renoncement à la raison est ce dont notre société a le plus peur. Nous vivons à l’ère du totalitarisme de la raison utilitaire."

Après s’être frotté à ce Gogol, Paul Lefebvre s’envolera vers d’autres défis. Et il devra alors tourner la page sur 11 années de direction littéraire au Théâtre Denise-Pelletier. "Une aventure intellectuelle extraordinaire", à laquelle seul un "brillant artiste" pouvait le convaincre de mettre fin. "Les tâches d’un directeur artistique au CNA sont gigantesques. Denis Marleau souhaite que le CNA devienne initiateur de projets artistiques, et non plus simplement coproducteur." Ces deux-là semblent faits pour s’entendre. "Denis Marleau a une très haute exigence envers l’art. Tout comme lui, je crois que l’exigence est une marque de respect envers le public…"

Jusqu’au 19 mai
Espace Geordie