Mémoire vive : Histoire de jouets
De retour d’une tournée en France, les artisans des Deux Mondes font escale dans leur port d’attache, le temps d’y présenter Mémoire vive, l’admirable performance pour toute la famille (neuf ans et plus) qu’ils ont créée là-bas.
De retour d’une tournée en France, les artisans des Deux Mondes font escale dans leur port d’attache, le temps d’y présenter Mémoire vive, l’admirable performance pour toute la famille (neuf ans et plus) qu’ils ont créée là-bas. Ils prendront ensuite la route en direction des États-Unis et de l’Allemagne. Il ne reste que deux semaines, donc, pour voir cette oeuvre multmédia de la compagnie créatrice de Terre promise/Terra promessa et de L’Histoire de l’oie. D’une grande beauté visuelle, le solo écrit par Normand Canac-Marquis et mis en scène par le codirecteur artistique des Deux Mondes, Daniel Meilleur, est le genre de show qui laisse une vive empreinte dans l’imaginaire…
C’est à partir de jouets (qui ont été "auditionnée", un peu comme des interprètes) que les concepteurs ont élaboré l’histoire de Catherine (Catherine Archambault), une centenaire qui pose un regard dans le rétroviseur. Si l’idée de mettre en scène des personnages qui racontent leur traversée du 20e siècle est assez commune (Jacob Wren et Nadia Ross font de même dans Recent Experiences, qui sera présentée au FTA), la manière, elle, n’a rien d’ordinaire.
Un immense écran, tendu en fond de scène, accueille des projections qui se transforment en décors impressionnistes; tandis que deux rails fixés par terre permettent à des créatures pelucheuses ou mécaniques de circuler; et que les bruits de jouets échantillonnés envahissent l’espace. Le texte poétique de Canac-Marquis ajoute à l’onirisme de la chose. Ainsi, devant une cage dans laquelle tourbillonnent des mousses, Catherine remarquera joliment que "la poussière est le plus petit des jouets". Et si certains passages peuvent sembler accessoires, peu importe, puisque pendant ce temps, les accessoires, eux, prennent vie sous nos yeux…
Mémoire vive offre une succession de tableaux, dont la logique rappelle celle des rêves. À la fois fille, mère et grand-mère, Catherine se raconte, assise sur une immense balançoire; en faisant du tricycle; ou encore, devant une caméra, posée sur son train électrique. Elle marchera aussi entre de gigantesques élastiques colorés et galopera sur un immense cheval de bois. D’autres objets amusent, comme la table et la chaise qui marchent, et le furieux tank téléguidé, symbole des drames qui ont empoisonné sa vie.
Seule sur scène, Catherine Archambault s’active avec une belle énergie. Depuis qu’elle a quitté les bancs de l’Option théâtre du Collège Lionel-Groulx, il y a quatre ans, la comédienne a interprété Molière, Koltès et Claude Gauveau avec une belle fraîcheur. L’an dernier, dans le sombre White Trash de Stéphane St-Jean, elle tranchait sur le reste de la distribution par sa candeur et sa drôlerie. Cette année, les fidèles de Virginie (plus nombreux qu’on le pense: comme les adeptes du McDo, ils ont tendance ne pas dévoiler leur vice secret!) auront remarqué l’adolescente aphasique qu’elle campe. Avec Mémoire vive, elle obtient enfin un premier rôle, ainsi que la chance de jouer outre-Altlantique.
Pas étonnant que les festivals s’empressent d’inviter Les Deux Mondes. La compagnie a créé une vingtaine de spectacles et donné 3000 représentations, sur les cinq continents. En 28 ans d’existence, elle a fait de la planète son terrain de jeu. Après tout, comme le dit Catherine, la terre n’est qu’un parc et la vie, un enfant qui traverse ce parc en jouant…
Jusqu’au 3 juin
Théâtre Des Deux Mondes