Stampede : Morceau de choix
Claude Poissant a eu du flair en portant à la scène la toute première pièce de François Létourneau. Le jeune diplômé du Conservatoire d’art dramatique a un indéniable talent de raconteur d’histoires et ça, le directeur du Théâtre PàP l’a perçu tout de suite.
Claude Poissant
a eu du flair en portant à la scène la toute première pièce de François Létourneau. Le jeune diplômé du Conservatoire d’art dramatique a un indéniable talent de raconteur d’histoires et ça, le directeur du Théâtre PàP l’a perçu tout de suite. Stampede est un road-movie théâtral qui s’amorce comme une comédie puis vire au drame, sans jamais cesser toutefois de nous faire rire. L’action prend place sur la planète country, quelque part entre Montréal et Calgary, là où un trucker, son meilleur ami, une danseuse nue et un gérant de club entremêleront leurs destinées…
C’est connu, l’univers western fait rigoler le citadin. François Létourneau situe sa pièce dans un bar de danseuses country de Montréal (!), puis dans les motels minables jalonnant la route qui traverse le pays. Mais il le fait sans mépris, avec un humour noir proche parent de celui d’autres jeunes dramaturges, comme Patrice Dubois et Steve Laplante.
Frank (François Létourneau) est du genre à préférer les cafés aux clubs topless. Son ami Pat (Patrice Robitaille) réussit pourtant à l’y traîner un soir d’ennui. Coup de théâtre: Frank s’amourache sur-le-champ de Foxy (Dominique Quesnel), à qui il s’empresse de demander un autographe. Séduite par la naïveté du jeune homme, l’effeuilleuse l’invite à revenir le lendemain, alors qu’elle inaugurera un nouveau numéro. En moins de temps qu’il n’en faut pour crier "hue!", la cow-girl a capturé au lasso le coeur de Frank. Quand la danseuse se pousse en direction d’un eldorado nommé Calgary, Frank et Pat prennent la route, au volant du camion de leur employeur, la Western Beef. Ils découvriront chemin faisant qu’en plus de la cargaison régulière, le véhicule contient un petit extra…
Si François Létourneau en est à sa première oeuvre dramatique, Claude Poissant, lui, ne manque pas d’expérience: il s’active sur la scène théâtrale depuis une vingtaine d’années. Sous sa direction, les comédiens sont à la fois comiques et tragiques, crédibles et complètement "flyés". Plus épanouie que jamais, Dominique Quesnel a prouvé cette année qu’elle figurait parmi les meilleures comédiennes du Québec, en alignant coup sur coup trois créations. Elle joue ici fort habilement de son corps aux formes rebondies, oscillant sans jamais perdre pied entre sensualité et vulgarité.
Stéphane Jacques est méconnaissable en cow-boy tendre sous ses airs de brute. Patrice Robitaille prête son allure dégingandée au sympathique raté qu’est Pat, un écorché qui fuit la platitude de sa vie en s’inventant de torrides aventures. Enfin, l’auteur se glisse dans la peau d’un personnage qui ressemble beaucoup aux jeunes hommes naïfs qu’il incarnait dans L’Ancien Quartier, de Mamet, ainsi que dans Au moment de sa disparition, de Jean-Frédéric Messier. Souhaitons que sa prochaine création, Cheech (qui sera lue au FTA), lui permette d’explorer d’autres avenues…
Autre similitude entre Stampede et la pièce pour ados de J.-F. Messier: le jeu sur les perceptions proposé. Au moment de sa disparition racontait la délirante fuite d’un schizophrène au coeur du désert. Les trois personnages de Stampede délirent eux aussi, d’une manière plus subtile. Après tout, illustre Létourneau, la réalité ne passe-t-elle pas toujours par le prisme de nos perceptions?
La scéno d’Olivier Landreville est simple mais efficace, avec d’un côté de la scène de grands poteaux servant à la fois d’outils de travail à Foxy et d’indicateurs routiers. Grâce au boulot des artisans réunis par la corrida urbaine de François Létourneau, la petite salle de l’Espace Go clôt la saison avec panache…
Jusqu’au 2 juin
À la salle 2 du Théâtre Espace Go