Cheval-Théâtre : La bête lumineuse
Scène

Cheval-Théâtre : La bête lumineuse

À vue de naseaux, Gilles Ste-Croix semble en bonne voie de gagner son ambitieux pari. Malgré les nombreux ratés qui ont ponctué le soir de la première (des voltigeurs ont chuté, nervosité oblige) et l’imperfection d’un spectacle pas encore au point, difficile de résister à la cavalcade harmonieuse et parfois enlevante de Cheval-Théâtre.

À vue de naseaux, Gilles Ste-Croix semble en bonne voie de gagner son ambitieux pari. Malgré les nombreux ratés qui ont ponctué le soir de la première (des voltigeurs ont chuté, nervosité oblige) et l’imperfection d’un spectacle pas encore au point, difficile de résister à la cavalcade harmonieuse et parfois enlevante de Cheval-Théâtre. Dur surtout de ne pas succomber à la gracieuse beauté de ces puissantes bêtes en action.

Dans le coquet chapiteau surmonté de pignons médiévaux installé sur le terrain de l’Hippodrome de Montréal, Cheval-Théâtre consacre l’élégante union de l’homme et de l’animal. Au menu: moult numéros de voltige où de frêles écuyers pirouettent sur le dos large et plat de vigoureuses montures, séances de dressage où les bêtes font valoir l’agilité de leurs pattes, carrousel, et quelques saynètes comiques. Le tout fondu dans un univers à la sauce gitano-cosaque, esthétiquement léché dans la tradition du nouveau cirque (grâce à des concepteurs expérimentés tels le costumier François Barbeau et le concepteur d’éclairages Guy Simard), lié d’ailleurs par une musique très "cirque-du-soleil-esque" signée Bernard Poirier.

Le spectacle équestre souffre d’une entrée en matière lente et plutôt lâche, comme si on ne savait pas trop quoi faire avec les artistes humains et équins.

Quelques numéros qui semblent peu spectaculaires à l’oeil non averti, une certaine approximation aux entournures, plusieurs pertes d’équilibre sont à mettre au passif de la soirée d’ouverture.

Heureusement, Cheval-Théâtre prend du mordant à mi-course pour boucler son tour de piste au grand galop, à la faveur de plusieurs numéros étonnants. Avec la maîtrise et l’assurance des pros qu’ils sont visiblement, les fiers cosaques russes formés par le chorégraphe équestre Igor Kassaev déploient à vive allure de périlleuses acrobaties. Éblouissant. Autre beau moment, sur un mode moins spectaculaire: un superbe équidé qui semble danser et jouer des castagnettes avec ses pattes…

Si, au départ, on craignait le pire quant à l’utilisation du traditionnel personnage clownesque (campé par Christian Ferland), les duos mal assortis qu’il forme avec les bêtes se révèlent de plus en plus heureux: une danse apeurée avec un cheval fou, un numéro plutôt amusant avec deux gamins agiles et un joli poney. Et on retiendra surtout son adorable scène avec un talentueux partenaire à sabots dont le jeu n’a rien à lui envier. Sur le principe convenu du maladroit congénital qui tente de monter à cheval, le comédien engage un échange d’une étonnante complicité avec cet animal qui démontre une remarquable docilité.

Tous n’ont pas cette discipline. Sans rien enlever au talent de la troupe franco-russo-américano-québécoise, ici, les principales attractions ont quatre pattes, et l’un des plaisirs du spectacle équestre est de voir émerger les tempéraments de ces belles bêtes, depuis le mignon et fougueux cheval miniature jusqu’aux majestueux andalous.

Ce soir-là, un certain Manchego avait décidé de n’en faire qu’à sa tête, et de voler le show, se rebiffant sous la poigne gracieuse mais assurée de sa dresseuse, Caroline Williams. Un caprice de star. Imprévisibles et inévitables, les impondérables chevalins ajoutent du piquant au spectacle.

En gros, des numéros à raffiner, un rodage à faire, peut-être une finale plus grandiose pour clore la soirée. Pour le reste, Cheval-Théâtre ne renouvelle peut-être pas le genre – j’ai peu de références pour en juger. Mais avec ce spectacle sympathique, Gilles Ste-Croix paraît avoir misé sur le bon cheval.

Jusqu’au 3 juin
À l’Hippodrome de Montréal
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