Euphemia : De même mature
Scène

Euphemia : De même mature

Pour clore la saison de danse, MARIE-FRANCE ROUSSEAU et SYLVIE ROUSSEL nous proposent une réflexion sur le corps de la  femme.

Au détour de la quarantaine, de nombreux danseurs abandonnent la scène. Le corps commence à se rebeller devant la violence que lui imposent les sauts et les contorsions. Le dos et les genoux sont de plus en plus douloureux… C’est un dur constat que se sont tapé Marie-France Rousseau et Sylvie Roussel. "Depuis trois ou quatre ans, j’étais vraiment en remise en question, explique cette dernière. Je me sentais beaucoup plus à l’aise de communiquer des choses plus profondes, plus intenses, et je me disais: "Maintenant que je me sens mature pour le faire, mon corps ne suis plus." Marie-France a eu un peu le même cheminement…"

Les deux danseuses ont décidé de faire leur deuil de la performance et de repousser les limites de la création en misant sur d’autres aspects. "Quand j’avais 20 ans et que j’étais beaucoup plus agile, dit Roussel, je n’aurais jamais pu interpréter ce que je fais maintenant parce que je n’avais pas la maturité, le senti. Je pense que ce vécu-là vient donner du poids aux mouvements."

Les deux femmes ont longtemps travaillé à l’essor de la danse dans la capitale. Elles siègent notamment à la table de la danse, où Rousseau a succédé à Roussel comme présidente en 1999. Elles enseignent toutes les deux depuis une dizaine d’années. C’est cependant leur première rencontre en tant que chorégraphes.

Une certaine vision du rôle de la beauté dans l’art ainsi qu’un intérêt pour le thème de la femme les rapprochaient au début de leur projet de spectacle. Elles ont donc abandonné leur travail personnel respectif pour s’attaquer à la création d’une pièce commune, ce qui les a forcées à composer avec leurs différences. "Marie est très minimaliste dans tout ce qu’elle fait et moi, c’est plus du mouvement lyrique. Je suis très imprégnée de Limon. Elle, c’est un peu plus théâtral. On s’est nourries l’une de l’autre. C’est comme si on se lançait une balle. Ça a donné une fusion entre les deux."

Dans Euphemia, les deux chorégraphes se sont intéressées à la femme d’une quarantaine d’années, à ses complexes, au regard que lui portent la société, les hommes et les autres femmes… sans oublier son propre jugement face à l’image que lui renvoie le miroir. "Je pense que beaucoup de femmes vont se reconnaître", dit Sylvie Roussel.

Le corps de la danseuse les préoccupait également. Bien qu’en danse contemporaine, les canons esthétiques soient moins contraignants qu’en danse classique, on attend habituellement d’une danseuse qu’elle ait un physique athlétique, ce qui devient de plus en plus difficile avec l’âge. "S’il y a des rondeurs, on ne voit pas les muscles, fait remarquer Sylvie Roussel, mais est-ce que le corps est inintéressant pour autant? Les femmes ne sont pas conçues physiologiquement pour être musclées. Elles sont conçues pour avoir des seins, des fesses, un ventre parce qu’elles ont enfanté."

Le hasard faisant bien les choses, Marie-France Rousseau est tombée enceinte en cours de création. C’est une dimension que les deux femmes ont décidé d’exploiter. Pour remplacer la future mère sur scène, elles ont fait appel à Chantal Caron, une chorégraphe indépendante qui partageait déjà leur réflexion sur la maturité en danse.

Sylvie Roussel, qui a longtemps travaillé à préparer la relève en danse, a maintenant envie de préparer l’avenir de son propre groupe. "En Europe, il y a des compagnies de danseurs de 40 ans et plus, dit-elle. Si on peut danser jusqu’à 60, 70 ou 80 ans, pourquoi pas? C’est à nous de créer un nouveau courant. Je pense qu’on vient de semer une graine."

Du 24 au 26 mai
Au studio de La Rotonde
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