Michel Bérubé : Théâtre pervers
On sait peu de chose sur ce dramaturge pas comme les autres. "Blutsch dit qu’il en a marre de cette espèce de vedettariat qui s’installe autour d’un auteur, explique Michel Bérubé. Il dit qu’il n’a pas la prétention d’être un auteur. Il écrit du théâtre, point. Et il vend du shampoing…"
Il a 33 ans, vient d’emménager à Genève, et il gère une compagnie d’import-export qui diffuse du shampoing bio! Mais sous le pseudonyme d’Hervé Blutsch, il a déjà signé une dizaine de pièces depuis 1986. On sait peu de chose sur ce dramaturge pas comme les autres. "Blutsch dit qu’il en a marre de cette espèce de vedettariat qui s’installe autour d’un auteur, explique Michel Bérubé. Il dit qu’il n’a pas la prétention d’être un auteur. Il écrit du théâtre, point. Et il vend du shampoing…"
Depuis qu’il a découvert Blutsch, le metteur en scène (le récent Macbeth à l’X, c’est lui) en a fait son "filon créatif". En plus de monter deux de ses pièces au FTA, il prépare une création avec l’auteur français. Un texte qu’on pourra entendre en lecture, le 2 juin. "Il fait ce que je cherche à la scène: un théâtre d’action, rapide, efficace, anti-psychologique, explique Bérubé. C’est très délirant, mais toujours amené de façon habile, et par des situations concrètes."
Joué par Daniel Parent, Michel-Olivier Girard et Francis Ross, le spectacle de La Compagnie à numéro accouple deux brèves pièces "burales" d’Hervé Blutsch, qui mettent en scène l’univers, conventionnel et codifié jusqu’à l’absurde, des bureaux. Un monde routinier que Blutsch connaît bien pour avoir été commis de bureau à Madrid.
Dans Le Canard bleu, texte "sur l’encroûtement des systèmes bureaucratiques", un nouvel employé entreprend de révolutionner les règles établies et de bousculer les habitudes encrassées de ses collègues. Ça finira mal… Dans Anatole Felde – que Bérubé a déjà montée au Conservatoire d’art dramatique -, trois fonctionnaires s’emmerdent à tamponner des papiers. Jusqu’à ce que l’un d’eux se pende au-dessus de son bureau. "C’est à partir de ce moment que la vie de ses collègues va prendre un sens. Ils vont se mettre à jouer avec le cadavre, à faire du théâtre avec lui…"
Le metteur en scène voit dans cette pièce, qui oppose l’imaginaire à une bureaucratie contraignante, une métaphore sur la création et le cheminement d’un créateur. "C’est comme si Hervé Blutsch disait que la société empêche la création par ses systèmes souvent très lourds. La moralité interdit de jouer avec un cadavre, même s’il devient une soupape créative. Ce sont ces règles que Blutsch essaie de repousser. Et pour lui, ce qui est absurde, ce n’est pas de jouer avec un macchabée, mais de tamponner toute la journée…"
Malgré la drôlerie macabre de ces univers réglés comme une "mécanique", des drames s’y jouent. "Blutsch se pose des questions sur la possibilité de changement dans notre monde. Et il est très négatif à ce sujet. On sent que si tu veux changer des choses, c’est impossible. Ça rend les situations assez dramatiques."
Cet auteur "subversif", dont l’univers tient du Grand-Guignol, joue avec les tabous, surtout la mort. "C’est un esprit tordu, Hervé Blutsch, constate Michel Bérubé comme une évidence. Pour lui, le théâtre est un peu comme ce que représente le cadavre pour les employés de bureau: un exutoire dans lequel il refoule toutes ses perversions."
Du 29 mai au 1er juin
À l’Agora de la danse
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