Soirée en trois mouvements/harmonies : De fougue et de passion
C’est en beauté que les Grands Ballets Canadiens clôturent leur saison, offrant au public un spectacle qui mêle, avec grâce, tradition, nouveauté, rigueur et légèreté. Un amalgame qui séduit les spectateurs.
Le souffle nouveau qu’apporte Gradimir Pankov aux Grands Ballets Canadiens se confirme encore une fois. Directeur artistique des GBC depuis un an à peine, il saupoudre savamment sa programmation de retours aux sources et de découvertes, sans toutefois "brasser la cage".
Sa Soirée en trois mouvements/harmonies permet, dans un premier temps, de plonger à nouveau dans l’univers du maître George Balanchine, dont on propose deux ballets magnifiques de pureté. Épisodes, monté pour la première fois par la compagnie montréalaise (nouvelle acquisition au répertoire), est un enchaînement, sur quatre musiques d’Anton Webern, de duos et de scènes de groupe. Sur fond bleu, sobrement vêtus de léotard et de collant, les danseurs évoluent dans toute la fluidité nécessaire, pour contredire gracieusement, avec une évidente allégresse, une musique pas très facile d’approche. Balanchine disait de la musique de Webern qu’elle avait la grande qualité de laisser l’esprit "libre de voir la danse"; on joue donc du contraste. Et il est ici heureux, mieux encore, espiègle.
Concerto Barocco, qui suit, fut déjà monté par les GBC en 1976, ainsi qu’en 1993. Également dansé sur le même, mais très beau fond de scène bleu, ce ballet, conçu sur le Concerto en ré mineur pour deux violons de Bach, propose une distribution presque essentiellement féminine. Elles sont formidablement envoûtantes, les danseuses, dans leur petite robe blanche, ressemblant à des joueuses de tennis qui tournoieraient inlassablement, insaisissables et fluides. À l’applaudimètre, ce ballet reçoit beaucoup plus que l’approbation du public, ce qui fait dire que ce retour dans le répertoire est aussi jubilatoire que judicieux. Ces deux tiers de la soirée consacrée à Balanchine se veulent une grande célébration du ballet classique. C’est, pour sûr, une belle occasion de constater encore et encore la précision, la netteté, la rigueur de celui qui a jeté les bases du ballet néoclassique. Ouvre, combien éclairante, de dépoussiérage!
Pour le dessert, Pankov a programmé Beyond, chorégraphie de fin d’études du tout jeune (24 ans) Adam Houghland, fraîchement diplômé de Juilliard. Accueillie avec grand enthousiasme, la pièce montre huit danseurs et danseuses, tous vêtus d’une robe de satin argentée, qui se débattent entre l’ombre et la lumière. L’ombre, c’est ce qui les attire, l’inconnu; mais c’est aussi ce qui peut effrayer. Chacun, pourtant, que ce soit timidement ou fougueusement, seul ou avec d’autres, osera traverser la frontière vers cet ailleurs, où se vivront blessures, souffrances, plaisirs et triomphes. Ce ballet, bellement percutant, est une révélation d’autant plus emballante que les GBC ont, rappelons-le, commandé une nouvelle oeuvre à Adam Houghland pour leur prochaine saison. On a déjà hâte.
Jusqu’au 26 mai
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts