La Chambre bleue : Moeurs légères
En parlant de La Ronde, une pièce d’Arthur Schnitzler sur les relations de cinq couples, qui fit scandale en 1921 à Vienne à cause de certaines scènes osées, un critique londonien a écrit que l’oeuvre, aujourd’hui, était aussi sexuelle "qu’un pudding au riz froid"…
En parlant de La Ronde, une pièce d’Arthur Schnitzler sur les relations de cinq couples, qui fit scandale en 1921 à Vienne à cause de certaines scènes osées, un critique londonien a écrit que l’oeuvre, aujourd’hui, était aussi sexuelle "qu’un pudding au riz froid"…
En effet, à l’heure des reality shows, alors que l’intimité de bien des couples est devenue chose publique, le propos n’a rien de provocateur. Il est même surprenant que le prolifique auteur anglais David Hare se soit inspiré de La Ronde pour écrire, en 1998, une variation sur le désarroi amoureux de ses contemporains. Le résultat, La Chambre bleue (The Blue Room), est une oeuvre mineure et assez superficielle. Mais lorsqu’un auteur peut compter sur une actrice comme Nicole Kidman et un metteur en scène comme Sam Mendes (American Beauty) pour créer son texte à Londres puis à New York, il n’a pas à faire de l’urticaire.
La direction du Théâtre du Rideau Vert a décidé de programmer en fin de saison La Chambre bleue, traduite par Maryse Warda et mise en scène par Serge Denoncourt. La pièce raconte une suite de rencontres entre des hommes et des femmes en quête d’amour. Elles aboutissent à de brèves (et parfois moins brèves) relations sexuelles qui se déroulent dans le noir, alors qu’un écran apparaît au-dessus de la scène pour minuter les ébats! (Ce qui faisait bien rigoler mon voisin, mais pas sa femme…) En tout, 10 actes qui forment une boucle: A rencontre B qui couchera avec C qui rencontrera D pour revenir avec A à la fin.
Serge Denoncourt avouait en entrevue que le texte était davantage "un prétexte pour voir deux comédiens (Pascale Desrochers et Normand D’Amour) se dépasser dans un éventail très large" de personnages. Hélas, deux heures et dix minutes de performances d’acteurs qui défendent un texte cliché, caricatural et sans réel point de vue, c’est comme assister à une trop longue audition: on est emballé par le jeu au début; on se lasse au milieu; et à la fin, on rêve du jour où ces acteurs auront un bon texte entre les mains…
Malheureusement, devant ce matériau faible, Serge Denoncourt en rajoute. Il meuble le vide en multipliant les changements de décors et de costumes effectués entre les actes (alors que, déjà, des noirs sont intégrés dans les scènes de relations sexuelles). Il abuse d’une trame musicale omniprésente. Et il fait inutilement jouer les deux machinistes entre les scènes.
Là où cette production aurait eu besoin d’épuration, de silences, de vérité, le metteur en scène verse dans le maniérisme et l’esbroufe. Il a tendance à en donner plus que le client n’en demande (je pense aux productions de La Cerisaie et de Music-hall, entre autres).
Avec cinq personnages différents à défendre à la chaîne, les deux acteurs versent un peu trop dans la caricature. Surtout sur le plan du langage et de la diction. Par exemple, Pascale Desrochers abuse du "franglais" et semble parfois se perdre dans ses divers accents.
Malgré ce bémol, les deux acteurs donnent des prestations spectaculaires et nous prouvent principalement leur talent comique. Hélas, ce n’est pas suffisant pour faire oublier les nombreuses longueurs de ce spectacle.
Jusqu’au 16 juin
Au Théâtre du Rideau Vert