Amour, acide et noix : Le corps est un chasseur solitaire
Scène

Amour, acide et noix : Le corps est un chasseur solitaire

L’Agora de la danse a eu la très bonne idée de proposer en reprise la dernière création du chorégraphe DANIEL LÉVEILLÉ. Un spectacle magnifique qui sonne comme un hymne à la beauté et à la fragilité de la vie.

Au début était le corps, blanc, translucide et virginal. Puis vint le mouvement, incertain, furtif et maladroit. L’union de l’un et de l’autre donna la vie, avec tout ce qu’elle comporte de beauté et de tendresse; mais aussi de vertige, de dureté et de vulnérabilité.

Plus qu’un "hommage à la beauté et à la fragilité du corps humain", la dernière création du chorégraphe Daniel Léveillé, Amour, acide et noix, est un hymne à la beauté et à la fragilité de la vie. L’Agora de la danse a eu la bonne idée de proposer en reprise cette production, créée en février dernier, jusqu’à samedi soir seulement.

Spectacle troublant et magnifique, dansé par quatre interprètes complètement nus du début à la fin, Amour, acide et noix est une oeuvre de maturité d’un homme qui étudie et décortique le langage corporel depuis maintenant 25 ans. Figure importante de la danse-théâtre au Québec au début des années 80, Léveillé, après une parenthèse de plusieurs années consacrées à l’enseignement, apparaît ici comme un chorégraphe incontournable de la scène québécoise.

La première qualité de son travail, c’est qu’il va à l’encontre des conventions et des clichés. Là où le profane se serait attendu à un tourbillon de mouvements lyriques, de pirouettes gracieuses (la trame musicale est composée principalement des voluptueuses Quatre Saisons de Vivaldi, et d’extraits plus hard rock de Led Zeppelin et Rammstein), le chorégraphe propose une série de gestes contenus, de pas feutrés, de corps tombant silencieusement et lourdement sur le sol.

Dès l’ouverture, ce tempo lent s’impose. Le quatuor (Ivana Milicevic, Dave Saint-Pierre, David Kilburn et Jean-François Déziel, qui offrent tous une excellente performance) se lance dans l’espace vide, exposant sa blanche nudité, tels des nouveaux-nés propulsés dans la fine lumière de la vie. Secondés uniquement par l’éclairage (splendide travail du concepteur Marc Parent), les interprètes exécuteront les courts tableaux (surtout des duos, ainsi que de brefs solos) dominés par une gestuelle brute, minimale, mais d’une extraordinaire pureté.

Bien sûr, ici, la nudité est tout sauf érotique. Les muscles, les os, les pulsations et la couleur de la chair des danseurs se superposent aux mouvements chorégraphiés pour exprimer un cri intime et douloureux: celui de l’infinie détresse de l’âme humaine cherchant à s’élever au contact de l’autre, afin de briser sa solitude.

Il y a aura des rencontres (le duo de Dave Saint-Pierre et Jean-François Déziel est un beau moment de tendresse) mais aussi des ruptures, des fusions et des détachements, des élévations et des chutes…

Amour, acide et noix évoque donc les hauts et les bas de l’existence, sans fard ni artifices, dans le langage d’un poète du corps humain. Ce dernier a dédié son oeuvre à la mémoire de son père… Le voilà grandement honoré.

Jusqu’au 9 juin
À l’Agora de la danse