Festival Fringe : Le théâtre s’éclate

Depuis 11 ans, la marge théâtrale a son festival. Le Fringe, c’est le marché aux puces des amateurs de productions hors norme, une vaste foire dans laquelle on ne sait jamais ce que l’on peut trouver. Cette année, le plus éclectique des festivals montréalais est de retour avec 350 performances, offertes par 65 compagnies d’ici et d’ailleurs, dont le quart sont francophones. Sept salles situées à proximité de la Main accueilleront ces 10 jours de "frénétique chaos organisé".

À la tête de ce grand bazar, on retrouve, fidèles au poste, les infatigables Jeremy Hechtman (producteur) et Patrick Goddard (directeur administratif). Rappelons que la programmation du rendez-vous bilingue est établie à partir d’une seule règle, celle du "premier arrivé, premier servi" lors des inscriptions. Cette année, un tirage a dû être fait parmi les "premiers arrivés" anglophones, trop nombreux à avoir soumis leur candidature en même temps! Petit cousin montréalais d’un événement né à Édimbourg, le Fringe a plus que doublé son budget depuis sa première édition (180 000 dollars, contre 75 000 dollars en 1991).

Parmi les 15 compagnies francophones recrutées, on retrouve Boiteux et Lazareth, dont La Fabrique de ballons avait séduit l’an dernier dans sa version anglaise. Revêtus d’une robe de ballons, "parce que le sexe, au Fringe, ça vend", les trois clowns font de la magie, chantent, jouent les ventriloques et soufflent des ballons en forme de chiens et de fleurs. Une autre artiste a compris comment piquer la curiosité des fringeurs: Isabelle Gaumont, que l’on peut voir en costume d’Ève sur les affiches de son one woman show Gaumontville. L’humoriste (elle a entre autres collaboré à l’écriture de la télésérie Un gars, une fille) n’a pas la langue dans sa poche. Selon elle, "les gros producteurs prennent le public pour des "morons" avec des cartes de crédit", ce qui expliquerait pourquoi elle préfère s’autoproduire. Sur scène, elle incarne la mairesse de Gaumontville, un bled dont les habitants sont tout, sauf politically correct.

Fêtes macabres
Un autre trio de clowns tentera de dérider les festivaliers, en plein air cette fois. Dans La Conquête de l’Ouest, Ringo, Freddo et Einstein se glissent dans la peau de légendes du Far West. Conçu par Brian Robinson, docteur de la Sorbonne et ex-professeur à l’Université McGill, Comédie intellectuelle met pour sa part en scène quatre grands esprits, soit Aristote, Moïse, Martin Luther et Freud. Vous aimez vous faire menacer d’une arme au théâtre? La Théorie du papillon s’annonce riche en "bang! bang!" "Quatre femmes et deux hommes se retrouvent ensemble, annonce le communiqué. Chacun d’eux possède un flingue. Et chacun d’eux a le droit de s’en servir. Quand il veut." Vous préférez le son d’une hache qui découpe la chair fraîche? Le Théâtre sans fond (Stéfan Cédilot et Emmanuelle Prince) promet de combler les plus macabres spectateurs avec chAos, suite de leur spectacle dArk, avec "plus de sang, plus de personnages démembrés, plus d’hystérie, aucun propos intellectuel et, pour la première fois, ce que l’on pourrait appeler un réel scénario". Amateurs de gore, c’est un rendez-vous…

Adapté d’un roman de Jørn Riel par Sophie Lamouroux, Safari arctique réunit sept chasseurs, de l’alcool, un ours et un cochon dans la nuit noire du Groenland. Huit comédiens se partagent les rôles. À voir aussi: Brontosaurus, un duel entre un auteur et une metteure en scène; La Voix du sang, le face-à-face dans un motel d’un jeune homme et de son demi-frère; La Voix humaine, solo téléphonique signé Jean Cocteau; Sous vide et Les Carnets d’un sot, de Thierry Vigneault-C, deux pièces de "théâtre mouvementé" dont l’une met en scène une comédienne à la recherche d’un auteur tandis que l’autre explore l’absurdité du monde médical.

Encore cette année, de nombreux spectacles de danse ont été programmés, dont Les Éclats de saphir et Berlin expédition, de Josée Gagnon; Sous l’âme du corps, une chorégraphie de Corps Causal; et Saute à la gorge, une danse percutante de la compagnie Mange mes pieds (!).

Du slapstick au mime
Du côté anglo, on attend de la grande visite d’Hamilton: The Imponderables. Inspirés des Kids in the Hall et de Monty Python, les quatre jeunes hommes sont de retour à Montréal avec un show qui va du slapstick au mime, en passant par l’ironie, la satire et la parodie. Du Canada anglais nous arrive aussi The Day of the Bridge, une création dans laquelle l’auteur Dan Fisher relate le combat des résidants de l’île de Toronto, menacés d’expulsion en 1980. Foqué dans la Tête Productions, de Providence, Rhode Island, présente une intrigante comédie philosophique: Everything You Wanted to Know About Yourself But Were Afraid to Ask Freud.

La scène Hour (4247, rue Saint-Dominique) méritera très certainement le détour avec: Another Zoo Story, l’histoire d’un Torontois sur l’acide qui se rend au zoo; The Kimono Loosened, de Vancouver; The Men Commandments, d’Angleterre; The Mind Diddler, de Californie; et Unsinkable, une "comédie pour loosers" de Toronto.

À voir aussi: Travesty Theatre, une soirée présentée au Jailhouse Rock, où les spectateurs sont invités à lancer des légumes (fournis gratuitement!) aux interprètes; et Car Story, une expérience théâtrale durant laquelle les spectateurs prennent place (trois à la fois!) sur le siège arrière d’une bagnole, tandis que les comédiens se produisent… à l’avant!

Plusieurs happenings sont aussi prévus hors des salles, dont une course à obstacles de drag queens (elles devront changer de robe, mixer un drink, etc.), le 17 juin, animée par Mado Lamotte; et un combat de lutte de l’Internet Wrestling Syndicate, dans un véritable ring, installé au coin Saint-Laurent et Rachel, le 15 juin. Juste à côté de la Tente à bière, où tous peuvent, comme par le passé, utiliser le dazibao pour prévenir les autres festivaliers de ce qui les attend…

Du 14 au 24 juin
Info festival: 849-FEST