Scène

Festival de théâtre amateur de Montréal : Au-delà des apparences

Le Festival de théâtre amateur de Montréal (FTAM) s’est terminé dimanche dernier à la maison de la culture Ahuntsic-Cartierville. Le Théâtre Aphasique a dominé le palmarès avec deux prix, celui de la mise en scène et celui du public. La troupe La Pépinière a reçu une mention pour la scénographie de Florence de Marcel Dubé. Et le prix de l’interprétation est allé au Théâtre de l’Énergyne pour la création de Peines de femmes. En collaboration avec le FTAM, nous publions la critique du spectacle du Théâtre de l’Énergyne, signée Mélanie Dumont, finissante du baccalauréat en art dramatique de l’UQAM, profil critique et  dramaturgie.

Faire entendre la voix des femmes pour témoigner d’une vision du monde particulière, voilà la mission que poursuit le Théâtre de l’Énergyne depuis sa création en 1988. Dans le cadre du Festival de théâtre amateur de Montréal, l’équipe, uniquement composée de femmes, nous a présenté sa quatrième production théâtrale vendredi dernier. Avec Peines de femmes de Ginette Perreault, elle s’emploie à dépeindre la réalité des criminelles qui, derrière les barreaux, vivent avec des blessures que le temps n’a pas su panser.

Trois femmes se retrouvent au coeur d’une petite cellule. Il n’y a pourtant que deux lits! On apprendra que la situation est temporaire: un incendie fait rage dans une unité de la prison, ce qui oblige les gardiennes à relocaliser certaines des occupantes. Le feu se veut donc un prétexte à la réunion de femmes dont les expériences diffèrent. Doris (Jocelyne Thuot) purge une peine de 25 ans, Marie-Hélène (Céline Simonet) est incarcérée depuis seulement quelques jours et Sherry-Anne (France-Lyne Mercier) n’en est pas à son premier séjour en tôle. Ce trio auquel se greffent d’autres personnages présente des caractéristiques frôlant parfois la caricature.

Le cas de Doris offre toutefois une richesse sur le plan psychologique. Elle a tué de sang-froid: voilà la seule information que l’on détient quant à ses antécédents criminels. L’ombre d’un mystère plane au-dessus d’elle. Lorsqu’elle dévoile enfin son histoire, moment le plus fort du spectacle, une nouvelle lumière se fait sur le personnage. La criminelle qu’aucune émotion ne semblait traverser (passive devant le suicide de son amie) s’évanouit. Elle fait place à une femme blessée. Grâce à la composition convaincante de Jocelyne Thuot, désarmante par son authenticité, on devine la femme, l’être humain, derrière la criminelle.

La plus belle réussite du spectacle réside dans cette volonté d’aller au-delà des apparences. Cependant, le cas de Doris aurait suffi. L’histoire de Solange, quoique troublante, n’apporte rien de neuf. Elle ne fait que souligner ce que le spectateur a déjà compris. Même qu’il a deviné que le personnage de Sherry-Anne cachait des plaies béantes derrière ses airs de dur à cuire, et ce, sans qu’elle n’expose au grand jour les parties les plus intimes de sa vie.

Quant à la mise en scène sobre de Ginette Perreault, elle s’inscrit dans la tradition réaliste. À la manière d’un documentaire, elle expose le quotidien de ces femmes. Il semble pourtant impossible d’installer une véritable tension dramatique. L’incessant va-et-vient dans la cellule (et, à chaque fois, le bruit de la porte qui l’accompagne) tue le conflit qui pourrait grandir en force. Peut-être qu’un huis clos aurait permis d’alimenter tout au long du spectacle la tension qui sous-tend les rapports entre ces femmes.

En somme, Peines de femmes nous offre des moments dont la portée émotionnelle est grande. Mentionnons ici le récit bouleversant de Doris et le poème écrit de la main de Solange. Les membres du Théâtre de l’Énergyne ont eu le courage de dépeindre le milieu carcéral d’un point de vue exclusivement féminin. Elles s’attaquent à un environnement difficile mais où l’on apprend à dépasser la frontière de nos préjugés. Malgré quelques maladresses, elles nous livrent ce spectacle avec la plus grande sincérité.