Clair de lune : Les joyeux naufragés
Si ce collage de textes dirigé par la jeune Salomé Corbo est un gage d’avenir, le théâtre estival a de beaux jours devant lui…
Le théâtre d’été n’est plus ce qu’il était, nous répètent comme un mantra les producteurs de spectacles. Il aurait perdu son côté kitsch et populaire pour plaire aux boulimiques de culture à qui les "ciel, mon mari!" donnent de l’urticaire… À les croire, le "virage" a été accompli avec succès, le "théâtre en été" offrant dorénavant de la nourriture intellectuelle de grande qualité.
Bien que, dans les faits, certains directeurs de théâtre semblent peu pressés de "virer", la production Clair de lune démontre que l’humour fin, la poésie et l’imagination ont leur place sur scène durant la saison chaude. Si ce collage de textes dirigé par la jeune Salomé Corbo est un gage d’avenir, le théâtre estival a de beaux jours devant lui…
La jeune metteure en scène, diplômée du Conservatoire d’art dramatique, fait du Théâtre à Ciel ouvert d’Oka son terrain de jeu pour l’été. Cette petite salle de 90 places, située au milieu d’un champ de luzerne, a été construite par les propriétaires Danie Frenette et Stefano Corbo (à l’origine, avec François Gourd, du Symfolium) avec les décors récupérés du film Grey Owl.
Le spectacle commence sur un air d’Aznavour. Clair de lune se compose de 12 extraits théâtraux et de trois chansons. Ça va de Shakespeare à Feydeau, en passant par Édith Piaf et Michel Tremblay. Seul lien entre ces textes: la prose des auteurs favoris de la metteure en scène. Un Puck marionnette ouvre et clôt le show, avec deux très courts monologues adaptés du Songe d’une nuit d’été. Parmi les sketchs présentés, mentionnons trois désopilants extraits de Roméo et Juliette mettant en scène une amoureuse mal attifée qui zézaye (savoureuse Marie-Laurence Moreau), une scène avec la Thérèse au "front de beu" d’En pièces détachées (Véronique Bouchard) et Knock, de Jules Romains, une hallucinante visite chez un médecin (François-Xavier Dufour) qui profite de la crédulité de ses malades imaginaires…
Salomé Corbo a insufflé une bonne dose de fantaisie et d’humour à ce cabaret estival. Sous sa direction, les trois jeunes comédiens sont amusants sans être cabotins. Un des meilleurs moments du spectacle est l’interprétation qu’ils offrent, ensemble, du magnifique monologue L’Artiste de Raymond Devos, un peu à la manière des clowns trash d’À quelle heure on meurt?, le collage de textes de Réjean Ducharme présenté ce printemps par Guy Alloucherie. Dans la bouche de ces interprètes à l’aube de leur carrière, le texte de Devos est irrésistible: "L’artiste en quête d’absolu joue les naufragés volontaires… Il est là debout sur une planche qui oscille sur la mer. La mer est houleuse et la planche est pourrie. Il manque de chavirer à chaque instant. Il est vert de peur et il crie: "C’est merveilleux! C’est le plus beau métier du monde!…"
Jusqu’au 25 août
Au Théâtre à Ciel ouvert d’Oka