Les Parapluies de Cherbourg : Je t'aime, moi non plus
Scène

Les Parapluies de Cherbourg : Je t’aime, moi non plus

RENÉ RICHARD CYR est amoureux des Parapluies de Cherbourg depuis sa tendre enfance. Et il vient d’adapter pour la scène la comédie musicale et romantique du duo Jacques Demy-Michel Legrand. Le résultat nous touche droit au coeur! Quand on aime, tout est possible…

Contrairement aux éternels couples tragiques du répertoire (Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, etc.), Guy et Geneviève, les jeunes amoureux des Parapluies de Cherbourg, ne meurent pas à la fin du film. Et c’est d’autant plus tragique… Car ils apparaissent plus réels.

Dans la vie, on ne meurt pas d’amour. On souffre énormément. On se blesse profondément. Mais on survit toujours à la chute d’un grand amour. C’est pour ça qu’on pleure en voyant (ou en revoyant) le film beau et triste de Jacques Demy, primé à Cannes en 1964, ou en écoutant sa musique signée Michel Legrand. Ce mélodrame entièrement chanté exprime avec brio le mystère de l’amour, sa beauté irrationnelle, sa magie qui donne des ailes. Mais aussi l’envers de l’amour, ses embûches, son désespoir, et sa lente transformation en un souvenir lointain. Puisque c’est bien là, dans les sombres recoins de notre mémoire, que nos amours brisées aboutissent. Hélas.

René Richard Cyr rêvait depuis longtemps de porter à la scène le film à succès de Demy et Legrand. Son rêve s’est réalisé mercredi dernier au Centre culturel de Joliette, avec la création d’un spectacle musical qui sera également présenté à Montréal, dans le cadre des FrancoFolies, du 21 juillet au 4 août.

Et Cyr a gagné son pari. Il arrive à rendre tout le mouvement et les nombreux lieux du film, grâce à une mise en scène et un décor ingénieux. Mais aussi, il a su représenter la sincérité des émotions à fleur de peau traversant ce chef-d’oeuvre. Et c’est dans cette sincérité de coeur que niche la théâtralité de cette pièce qui, sans le flair d’un artiste, peut facilement tomber dans le kitsch ou le sentimentalisme rose bonbon. (D’ailleurs, on rit beaucoup durant ce spectacle au son de répliques devenues assez ringardes, merci.)

Les Parapluies de Cherbourg raconte une histoire d’amour autant exceptionnelle qu’ordinaire, audacieuse que classique. Geneviève, une adolescente de province, tombe follement amoureuse de Guy, un garagiste beau, sensible et amateur d’opéra (d’accord, je sais, ça reste de la fiction!). Ils ont des projets de mariage qui déconcertent la mère de Geneviève, veuve petite-bourgeoise tenant une boutique de parapluies. Malheureusement, Guy doit subitement partir faire son service militaire en Algérie où la guerre sévit. Avant le départ, le couple vivra une nuit d’amour. Geneviève tombera enceinte et se demandera si elle peut attendre le retour de Guy durant deux longues années…

"C’est étrange, le soleil et la mort voyagent ensemble", écrit Guy dans une lettre à Geneviève, alors qu’il est témoin des horreurs de la guerre d’Algérie. Pendant ce temps, Geneviève prend conscience de la douleur de l’absence, du poids du doute, de la désagrégation de l’amour. Elle a peur de perdre Guy. Et la peur a ses raisons que l’amour ne peut vaincre. Geneviève oubliera Guy et épousera un autre homme…

Pour la production théâtrale, René Richard Cyr a admirablement dirigé une distribution de jeunes comédiens-chanteurs peu connus mais qui nous touchent du début à la fin du spectacle. Évelyne Gélinas (qui étudie toujours à l’École nationale de théâtre) fait ici une entrée remarquable sur la scène professionnelle dans le rôle de l’ingénue Geneviève. Cette comédienne, gracieuse et lumineuse, a sûrement une belle carrière devant elle. Renaud Paradis (Guy) incarne un jeune premier plus que parfait. Il possède cette fragilité dans le regard qui troublerait même un Rock Machine! Et Hélène Major (Madame Émery) maîtrise tellement bien sa technique qu’elle nous fait oublier qu’elle chante durant ses répliques!

Finalement, la direction musicale de Benoît Sarrasin (également au piano) est excellente. Étonnamment, le trio musical arrive à donner toute la splendeur de la musique de Michel Legrand, habituellement servie par des orchestres imposants.

Du 27 juin au 21 juillet et du 8 au 25 août
Au Centre culturel de Joliette

Du 21 juillet au 4 août
Au Gesù à Montréal