Comédie dans le noir : L’argent fait la farce
De toutes les pièces produites par le Théâtre Juste pour rire depuis 11 ans, Comédie dans le noir est sûrement la plus vide de sens.
Parmi toutes les pièces produites par le Théâtre Juste pour rire depuis 11 ans, Comédie dans le noir est sûrement la plus vide de sens. Avec Les Palmes de M. Schutz, Picasso au lapin agile, Le Dîner de cons ou la Callas, il y avait un semblant de propos sous le masque comique, voire une morale quelconque derrière les situations absurdes: la tolérance, les préjugés de classe, la rigueur artistique, etc. Ici, ne cherchez pas de contenu, vous n’en trouverez point. Nous nageons dans la farce pure et simple.
Tant mieux. Car la reprise de Comédie dans le noir dirigée par Denise Filiatrault, à l’affiche du TNM jusqu’au 21 juillet, ne prétend pas à autre chose que de faire rire le (grand) public. Pour ce, les producteurs ont misé sur une bonne distribution (dont Jacques Girard, Serge Postigo et Pierrette Robitaille qui est probablement la femme la plus drôle au Québec à l’heure actuelle) et une mise en scène rythmée, habilement chorégraphiée (madame Filiatrault connaît bien les lois du burlesque et de la commedia dell’arte). Le tout est bien encadré par le très beau décor d’André Barbe.
La pièce écrite en 1965 par le réputé dramaturge anglais Peter Shaffer (Amadeus et Equus) repose sur une bon flash: la représentation commence dans le noir. Le couple de protagonistes, Bernard (Postigo), un sculpteur avide de reconnaissance, et sa fiancée (Catherine Sénart) attendent la visite d’un millionnaire amateur d’art contemporain. Au bout de cinq minutes, une panne d’électricité survient. Alors, la scène s’éclaire et les comédiens jouent comme s’ils étaient plongés dans l’obscurité.
Comme si la situation n’était pas assez cocasse, une série de personnages caricaturaux arrivent tour à tour chez Bernard et sèment davantage la pagaille à coups de quiproquos: le père autoritaire (Girard); l’ex-blonde bitch (Isabelle Blais); le gai fofolle (Carl Béchard, très drôle; la vieille fille pincée (Pierrette Robitaille)… Dans sa traduction, Danièle Lorain a adapté l’histoire à la réalité québécoise actuelle avec références politiques (le vote ethnique au référendum) et culturelles (la "gang de malades" de Daniel Boucher). Ce qui s’explique, car la pièce a quelque peu vieilli.
En effet, la bonne idée à la base du texte de Shaffer s’étire pendant 95 minutes sans véritables surprises, car la majorité des gags sont prévisibles. Néanmoins, la convention a le mérite de permettre aux comédiens de se surpasser physiquement et de jouer au bout la corde du comique. Et c’est uniquement pour eux que Comédie dans le noir mérite le déplacement. Ces acteurs ne se regardent jamais durant la pièce (transgressant ainsi les règles habituelles du jeu et de l’écoute). Ils se défoulent sur scène – surtout Postigo qui donne une performance athlétique – et leurs déplacements ressemblent à de l’acrobatie ou à de la nouvelle danse. En prime, chaque comédien a son numéro solo. Un des moments forts du spectacle demeure le monologue sur le supermarché qui vaut deux claques à Pierrette Robitaille.
Entre les classiques (Molière, Feydeau, Pagnol) et les pièces sur des personnages historiques (Pierre et Marie Curie, Maria Callas, Picasso, Einstein, Diderot), le Théâtre Juste pour rire semblait avoir trouvé sa voie artistique: proposer du divertissement théâtral de qualité en été.
Or ici, avec Comédie dans le noir, la barre semble un peu plus bas. Le Théâtre Juste pour rire glisse dans un genre plus près du Théâtre des Variétés haut de gamme que du grand répertoire comique. Cela rapportera sûrement aux guichets. Mais les amateurs de théâtre demeureront sur leur faim.
Jusqu’au 21 juillet
Au Théâtre du Nouveau Monde