David Oiye : Sur les traces de Dorothy
Présentée dans le cadre du défilé de la Fierté, Camera, Woman s’adresse à tous ceux que le cinéma hollywoodien et ses coulisses intéressent. Voir a rencontré son metteur en scène, DAVID OIYE, qui dirige aussi Buddies in Bad Times, l’une des plus importantes compagnies de théâtre gai et lesbien au Canada.
Seule femme cinéaste durant l’Âge d’or d’Hollywood, Dorothy Arzner a réalisé plus de 20 films, dont 14 parlants, parmi lesquels figure le tout premier de la Paramount. Pas étonnant que cette pionnière ait inspiré le dramaturge canadien R. M. Vaughan, qui en a fait le personnage central de sa pièce Camera, Woman.
Créée en 1998 à Toronto par l’ex-directrice du Buddies in Bad Times Theatre, Sarah Stanley, la pièce est reprise (en anglais) à Montréal par son successeur, David Oiye. Ce dernier assume depuis près de trois ans les fonctions de directeur artistique de la troupe. Fondée en 1979 par Sky Gilbert, Buddies in Bad Times est l’une des plus importantes compagnies de théâtre gai et lesbien au Canada. Rencontré dans un café du Village, David Oiye parle avec enthousiasme de son aventure estivale…
"Dorothy Arzner était une femme fascinante, qui pouvait se permettre de faire des choix artistiques parce qu’elle était à l’aise financièrement. Elle a tout de même réalisé des films très conventionnels, très hollywoodiens. Elle voulait être reconnue comme réalisatrice, et non comme une "femme réalisatrice". C’est pourquoi, quand les féministes l’ont "redécouverte" dans les années 70 (elle est décédée en 1979), le regard qu’elles posaient sur son oeuvre l’agaçait énormément."
Née à San Francisco en 1897, Arzner est l’une des premières femmes à avoir oeuvré derrière la caméra pour les grands studios américains. Entre 1927 et 1943, cette ex-étudiante en médecine a, en plus de son travail de réalisatrice, travaillé comme scénariste ou monteuse pour une cinquantaine de longs métrages. Lesbienne assumée, elle imagina des personnages féminins attachants, qui contribuèrent à l’ascension de stars telles Katharine Hepburn et Joan Crawford.
Dans Camera, Woman, le dramaturge, poète et vidéaste R. M. Vaughan a choisi d’entremêler réalité et fiction, vérité et fabulation. Outre Arzner, on retrouve dans sa pièce trois personnages "réels", soit Louella Parson, une puissante chroniqueuse – "un genre de Barbara Walters", ironise Oiye – , Harry Cohn, fondateur des studios Columbia – "un vrai bastard!" – et Merle Oberon, une actrice anglaise venue tenter sa chance à Hollywood. Si toute ressemblance avec des êtres ayant existé n’est pas fortuite, les derniers moments de la carrière de la cinéaste, eux, font l’objet d’une certaine extrapolation… Officiellement, Dorothy Arzner aurait choisi de se retirer une semaine avant la fin du tournage de First Comes Courage en raison d’une pneumonie. Vaughan avance quant à lui que c’est l’entêtement de la cinéaste à filmer un baiser entre deux femmes qui l’a conduite à claquer la porte…
"La pièce se déroule en trois temps. On retrouve Dorothy en 1955, alors qu’elle raconte ses souvenirs à la radio; puis, quelques années avant, durant son dernier tournage et enfin, 30 ans plus tard, dans une interview (fictive, mais inspirée d’un vrai entretien) menée par une féministe." Présentée dans le cadre de Divers/Cité, Camera, Woman s’adresse à un large public ou à tout le moins, précise Oiye, à tous ceux que le cinéma hollywoodien et ses coulisses intéressent.
Si les concepteurs proviennent de la Ville reine, la distribution de la pièce est montréalaise. Avec cette coproduction des compagnies Out Productions, SIN 4 et du Buddies in Bad Times Theatre, Oiye réalise un vieux rêve. "Je voulais travailler au Québec parce que le mélange des cultures anglophone et francophone apporte beaucoup. Le théâtre anglo-montréalais accorde plus d’importance à l’esthétisme et utilise davantage le multimédia."
Il ajoute avec un sourire: "Je ne sais pas pourquoi, mais je suis beaucoup plus relax à Montréal. Peut-être parce que j’ai l’impression d’être en vacances!"
Du 1er au 12 août
Au Mai (Montréal, arts interculturels)