Cabaret de la pire espèce : Jeux de vilains
Une jeune troupe, Le Théâtre de la pire espèce, présente un spectacle débridé sur les travers moraux de notre société. La satire manque de mordant, mais le tout offre quand même de bons moments.
L’été, la scène théâtrale montréalaise, désertée par ses institutions et ses gros canons (Festival Juste pour rire excepté), appartient surtout aux jeunes. Aux petites troupes qui ont le culot de proposer des aventures dramatiques un peu différentes. Tel ce singulier Cabaret de la pire espèce, proposé par le Théâtre de la pire espèce (ça ne s’améliore pas), déjà responsable de la pièce Par les temps qui rouillent, il y a un an, et d’un Ubu sur la table qui fait les beaux jours du café-théâtre L’Aparté.
Cette création collective supervisée et mise en scène par Francis Monty est l’oeuvre de sept étudiants de l’École nationale de théâtre – généralement à leur troisième année de formation -, qui ont pris la plume pour jouer avec "les tabous et les interdits de la morale populaire". Présenté sur la scène du bar La Place à côté, leur cabaret outrancier veut mettre en lumière, par la dérision et l’humour noir, les défauts de l’espèce humaine.
Naviguant entre les clowneries burlesques et la satire noire, avec des invités spéciaux en sus (dont, à venir, Mononc’ Serge, Yves Dagenais, alias Omer Veilleux, Félixe Ross et Christophe Rapin), Le Cabaret de la pire espèce tire un peu dans toutes les directions: le conformisme et les mensonges de la pub, la brutalité policière, l’intolérance, la guerre. Des sketchs ou monologues entrecoupés de quelques numéros de danse outrés au cours desquels s’ébat la joyeuse troupe.
Servi par les costumes d’Amélie Chérubin-Soulières et par des maquillages expressifs, le tout compose un spectacle dynamique, festif et coloré, mais où la réflexion critique tourne plutôt court. Certaines bonnes idées ne sont pas poussées assez loin, et plusieurs sketchs manquent de raffinement et de mordant, ce qui les rend inoffensifs. Un exemple: la provocation de "Toto le clown averti", un genre d’Oncle Georges raté qui explique aux jeunes comment réussir leur suicide, qui tombe carrément à plat. Il n’aurait pas été superflu de resserrer ce spectacle fortement inégal (comptez pas très loin de trois heures, incluant deux entractes pour se rafraîchir le gosier).
Mais cette soirée ludique réserve néanmoins de bons moments: le cynisme stylisé de Guerre à l’amiable, de Vincent Guillaume Otis, où un couple en instance de divorce se partage de manière très aléatoire ses biens, du chalet aux enfants; les "moments de tendresse" du comédien-metteur en scène Francis Monty pour agrémenter les changements de décor; le dérapage du Garçon de bonne famille, bien campé par son auteur et interprète, Erwin Weche, dont le masque de respectabilité et d’anxieuse gentillesse explose; l’intrigante conférence de Caroline Gendron, dont le court texte est peut-être le mieux ficelé du lot; une jouissive séance de crêpage de chignon entre filles, majoritaires dans le spectacle.
Et les apparitions occasionnelles de la superwoman Zelda Godin, créée par Catherine Hamann sur le mode des superhéros de bédé. À travers cette vedette de l’écran qui joue dans huit téléromans (!) et proclame le "pouvoir de la volonté", on raille gentiment notre obsession de la performance.
En général, Le Cabaret de la pire espèce fait montre d’un humour un peu ado, plus anodin que subversif. Bref, il aurait pu être pire…
Jusqu’au 1er septembre
À La Place à côté
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