Jean-Claude Côté : Guerre et paix
Le Théâtre de la Récidive nous convie à un petit tour de la planète. Voix du monde: un théâtre pour la paix propose en lectures publiques les pièces de 10 auteurs, issus des cinq continents, en autant de mois.
Le Théâtre de la Récidive nous convie à un petit tour de la planète. Voix du monde: un théâtre pour la paix propose en lectures publiques les pièces de 10 auteurs, issus des cinq continents, en autant de mois. L’événement vient à point pour célébrer la décennie de vie de cette compagnie qui n’a pu créer que quatre spectacles depuis 1991, et qui s’offre donc une rare visibilité pour la saison qui débute… "Pour nous, c’est aussi une façon de s’implanter un peu plus, explique son directeur Jean-Claude Côté. Le Théâtre de la Récidive reste encore relativement inconnu. On a eu des succès d’estime, mais pas de reconnaissance publique. On a envie d’être un peu plus sur la carte."
Au fil des années, de Don Juan revient de guerre à Gustave n’est pas moderne, Le Théâtre de la Récidive s’est donné pour mission de faire découvrir des auteurs ou des textes peu connus ici. En lisant des pièces d’ailleurs, Côté et ses nouveaux acolytes, les comédiens Jean-Marc Dalphond et Blaise Tardif, ont bientôt vu émerger une importante dimension sociopolitique. "Il y avait en général dans ces textes une forme d’engagement ou de conscience sociale très forte." Au "théâtre psychologique centré sur l’ego", ils ont donc préféré les problèmes de société. "Les systèmes totalitaires ou la situation des femmes au Maroc, c’est peut-être très loin de nous, mais c’est important d’en parler", note Jean-Claude Côté.
Dans ce contexte, l’auteur le plus difficile à dénicher n’a pas été l’Australien ou le Congolais, mais bien le Québécois! D’autant que les membres de la compagnie voulaient un texte inédit, ce qui éliminait d’emblée tous ceux traités par le CEAD. "Tout ce qu’on lisait était très centré sur l’imaginaire ou les petites préoccupations personnelles. Mais je ne veux pas porter un jugement sur l’ensemble du théâtre québécois. Et si on explore l’imaginaire, c’est peut-être qu’on est rendus ailleurs, qu’on peut parler d’autre chose que des préoccupations primaires comme manger ou pouvoir parler librement." Signe des temps, leur choix s’est finalement porté sur Nous ne sommes pas des animaux de Marie-Line Laplante, une pièce qui parle… d’économie!
Sinon, on pourra découvrir des ouvres de l’Américain Tony Kushner; du MarocainTahar Ben Jelloun; du Chinois exilé Gao Xingjian ou du Turc Nâzim Hikmet, poète mort en 1963, mais dont Jean-Claude Côté vante la modernité novatrice de l’écriture. "Moi, j’ai envie de monter au théâtre quelque chose qui transcende la réalité, qui peut permettre à un spectateur de s’élever ou d’aspirer à une certaine forme d’évolution."
Trois des pièces de Voix du monde traitent de l’Holocauste. Dans la lecture d’ouverture, Mein Kampf (farce), du juif hongrois George Tabori, on découvre le futur Führer (Carl Béchard) au début du siècle, médiocre étudiant recalé par l’École des beaux-arts de Vienne, alors qu’il rencontre dans un refuge pour itinérants un bon Samaritain juif, qui le sauve de la mort… "Il y a dans cette pièce un humour terrible. Le rire vient souvent de l’angoisse, du malaise."
L’événement a beau être baptisé "théâtre pour la paix", Jean-Claude Côté n’est pas dupe. "Si on voulait vraiment changer quelque chose, on descendrait dans la rue. On fait du théâtre. On changera pas le monde; mais il y a une petite volonté quand même… Une volonté de toucher par la bande des gens qui viennent d’abord pour entendre une pièce, donc pour se divertir. Si, en plus, ils peuvent partir en ayant pris conscience de quelque chose, peut-être que les problèmes sociaux vont les interpeller davantage. Ils vont se poser des questions, et recevoir certains textes comme des claques sur la gueule."
Du 24 septembre au 17 juin 2002
Au Théâtre Prospero