Stacey Christodoulou : La grande illusion
Scène

Stacey Christodoulou : La grande illusion

Stacey Christodoulou ne fait pas les choses comme tout le  monde.

Stacey Christodoulou ne fait pas les choses comme tout le monde. Au début des années 90, alors que des Anglos-Montréalais lassés du ping-pong constitutionnel s’exilent dans la Ville reine, la jeune comédienne, elle, quitte Toronto pour Montréal. À son arrivée, elle collabore avec Omnibus – "Je ne parlais pas français, alors le mime, c’était parfait!" blague-t-elle -, puis fonde sa propre compagnie: The Other Theatre. Dix ans plus tard, Stacey Christodoulou investit le Théâtre Prospero avec une onzième production, Carlos in Therapy, une création collective et bilingue qui se veut la "pièce jumelle" de Human Collision/Atomic Reaction, présentée au FTA en 1999.

"Je suis anglophone; mais en fait, je n’ai aucun lien avec la communauté anglophone", précise la metteure en scène, rencontrée dans le Mile-End, son quartier d’adoption. Nombreux sont ceux qui croient que les anglos se connaissent tous, qu’ils forment une grande famille. Mais ce sont les compagnies et les artistes francophones qui m’ont le plus supportée." Cet hiver, Stacey Christodoulou fera une première mise en scène hors de sa compagnie (la pièce Blasted de Sarah Kane), au Quat’Sous. "C’est étrange d’être sollicitée pour travailler en français, alors que je n’ai eu aucun appel des institutions anglophones, s’étonne-t-elle. J’en suis très heureuse, même si ça me fait un peu peur…"

Chaque chose en son temps; pour l’instant, Stacey se consacre à Carlos… À quelques jours de la première, la pièce est encore en chantier, et les bonnes idées continuent de fuser. L’oeuvre est issue d’improvisations menées par les interprètes Philippe Ducros, Alex Ivanovici, Maria Lapina, Caroline Lavoie et Elizabeth Robertson, à partir de l’histoire (vraie) d’un faux rescapé de l’Holocauste. Le mythomane en question a écrit un livre racontant son enfance dans les camps. Un best-seller qui, a découvert un journaliste, ne contenait que des fabulations. "Ce qui m’a fascinée dans cette histoire, c’est la facilité avec laquelle on peut s’inventer une d’identité. Avec des shows de télé comme Survivor ou Oprah, nous découvrons qu’il est permis de mentir et d’exploiter notre identité pour quelques minutes de gloire…"

Lancée sur le sujet, elle ne tarit pas d’exemples de tromperies: Bill Clinton et Monica; des Anglais pleurant à gros sanglots la mort de la princesse Diana, pour le plaisir de se voir ensuite à la télé; des journalistes tentant de faire croire que le Sommet de Québec, c’était Beyrouth. Des histoires qui prouvent, selon elle, que la frontière qui sépare l’illusion de la réalité n’a jamais été aussi ténue. "Aujourd’hui, il y a du théâtre partout: à la télé, en politique, etc. On est entourés de bons acteurs! Il est normal de ressentir le besoin de les imiter, de vouloir avoir, nous aussi, une vie dramatique. C’est humain…"

Stacey Christodoulou est catégorique: le théâtre engagé a, encore à notre époque, un rôle à jouer…

Jusqu’au 29 septembre
Au Théâtre Prospero