Britannicus : Un péplum américain
Rendons d’abord à César ce qui lui revient: Pascal Rollin a trouvé une belle niche pour installer le Britannicus dont il assure la mise en scène.
Rendons d’abord à César ce qui lui revient: Pascal Rollin a trouvé une belle niche pour installer le Britannicus dont il assure la mise en scène. Les colonnes et l’arche de la jolie petite Chapelle historique du Bon-Pasteur – rarement utilisée, sauf erreur, pour le théâtre – offrent un écrin naturel à la tragédie romaine de Racine, et tiennent lieu de décor à la sobre production "autogérée" du Théâtre des Ateliers. Mais hélas, un lieu ne fait pas une pièce…
Écrite en 1669, la pièce de Racine dépeint la lutte de pouvoir entre une mère et son fils. L’empereur Néron cherche à se détacher de la tutelle maternelle, engendrant la rage d’Agrippine, qui se sent dépossédée de son statut et d’un pouvoir qu’en tant que femme, elle ne peut exercer que par procuration. Leur rivalité fera une victime sacrificielle, l’innocent Britannicus, déjà écarté du trône par les machinations d’Agrippine, et dont le "maître du monde" convoite maintenant l’amoureuse, Junie.
On crie beaucoup dans ce Britannicus. Comme s’il fallait élever la voix pour rendre la puissance de la tragédie qui s’y joue, et à laquelle les alexandrins suffisent pourtant. Colérique, multipliant les éclats de voix et les emportements brusques, le Néron de Michel Albert semble davantage digne d’un péplum américain que d’une tragédie racinienne… En comparaison, la perfidie tranquille et insidieuse de Narcisse (Stéphane Blanchette, jouant assez bien de sa voix suave), qui déverse son poison dans les influençables oreilles impériales, a plus d’effet.
Dans le rôle crucial d’Agrippine, Dorothée Berryman s’appuie aussi sur un jeu un peu forcé, qui ne décline trop souvent qu’une seule émotion: la fureur. La lisibilité et les nuances du texte y perdent. Malgré une bonne scène – son long morceau de bravoure -, la comédienne semblait plus à sa place dans sa dernière apparition au théâtre, un gracieux Feydeau. Peut-être un registre qui lui convient mieux.
Sinon, Jacques Thériault défend honnêtement son sage conseiller Burrhus. Le jeune Nicolas Charbonneaux ne ménage ni la fougue ni la fraîcheur, mais son Britannicus un peu malhabile – et corporellement mal à l’aise – se cantonne dans un seul registre. Tandis que Claudia Hurtubise compose une Junie sensible, mais un peu trop plaintive.
À l’évidence, il faut plus que de la bonne volonté – et il y en a ici beaucoup – pour jouer Racine, un théâtre casse-gueule pour bien des comédiens. Pas toujours bien dirigée, la distribution de Britannicus, mélange d’interprètes qui en sont à leurs premières armes et de comédiens plus expérimentés qu’on ne voit pas très souvent au théâtre, ne lui rend guère justice.
Pourtant, dans ce spectacle sage et très dépouillé, la puissante beauté du texte, rarement joué sur nos scènes, fait quand même parfois son chemin. Un texte dont on admire la profondeur des passions et la pure magnificence de la langue. Par-delà les siècles, Racine nous offre une illustration, plus que jamais de mise, de comment naissent les monstres et les tyrans, en succombant à l’appétit du pouvoir et de la vengeance. À méditer…
Jusqu’au samedi 22 septembre
À la Chapelle historique du Bon-Pasteur