À toi, pour toujours, ta Marie-Lou : Passé composé
Scène

À toi, pour toujours, ta Marie-Lou : Passé composé

"Lorsqu’on m’a proposé de monter À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, j’étais énervé, et enchanté en même temps, confie Gill Champagne. D’autant plus que cette pièce marque une rencontre importante.

"Lorsqu’on m’a proposé de monter À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, j’étais énervé, et enchanté en même temps, confie Gill Champagne. D’autant plus que cette pièce marque une rencontre importante. Quand j’étais au cégep, c’était un texte à l’étude. Je ne connaissais pas Michel Tremblay, et je suis tombé en amour avec cette oeuvre. Je lisais la pièce à voix haute, tout seul dans ma petite résidence. Mais je ne pensais jamais qu’un jour je la monterais!"

Alors étudiant en arts plastiques, Gill Champagne a été frappé par les aspects de Marie-Lou qui en font une des grandes pièces de Tremblay. "J’y voyais plein de correspondances avec mon enfance, avec les oncles, les tantes que je connaissais. Et ce que je trouvais fort, c’était le conflit entre le présent et le passé, dans la structure de la pièce. Évidemment, personne ne se parle, mais tout le monde se répond: cette structure me semblait un coup de génie."

Créée en 1971, la pièce met en scène Léopold (John Applin) et Marie-Louise (Lise Castonguay), ainsi que leurs deux filles, Manon (Marie-Josée Bastien) et Carmen (Linda Laplante), 10 ans plus tard, alors que leurs parents sont morts. "L’image de chacun enfermé dans son monde – Léopold à la taverne, Marie-Lou avec son tricot, Manon dans sa religion et Carmen dans son rêve de chanson western – est celle d’une cellule de tout seuls, incapables de communiquer, remarque le metteur en scène. Plus on répète, plus je me rends compte que les messages sont cinglants, encore aujourd’hui."

Comment aborde-t-il la pièce? "Je donne la place davantage à la parole qu’à l’événement. C’est comme si j’avais mis Léopold et Marie-Louise dans un au-delà; ils vont redire des choses qu’ils ont peut-être répétées durant leur vie, mais d’une autre façon. C’est plus un règlement de comptes dans la mort qu’un flash-back du passé, pour moi. De plus, le passé vient "parler" à Carmen et à Manon, les personnages dans le temps réel. Elles n’entendent pas, mais en regardant ça comme spectateur, on comprend que les parents sont en train de se justifier. Présenté ainsi, le discours des deux morts devient à mon sens extrêmement actuel."

Pour évoquer ces deux mondes, le metteur en scène et le scénographe Jean Hazel ont opté pour un traitement symbolique de l’espace. "J’ai pris l’univers de Léopold et celui de Marie-Louise, et je les ai agrandis: l’univers de chacun, c’est toute la scène. Les deux espaces se chevauchent, et les deux personnages errent; ça provoque quelque chose d’assez troublant. Et, on comprend que tout est dans la tête de Manon. Son appartement flotte au-dessus d’une surface d’eau qui recouvre la scène; les deux parents sont là-dedans, dans un univers un peu flou."

Si Gill Champagne a bifurqué des arts plastiques au théâtre, sa recherche visuelle en arts est toujours préliminaire à sa recherche théâtrale, assure-t-il. Pour Marie-Lou, il s’est inspiré de photographies de Bettina Rheims et de Serge Bramly, présentant une vision iconoclaste de la vie du Christ.

Du 28 septembre au 20 octobre
Au Théâtre Denise-Pelletier