Christine de Smedt : Bain de foule
Les danseurs sans formation et sans expérience ont la cote chez les chorégraphes européens invités au Festival international de nouvelle danse (FIND). Est-ce là le fruit du hasard ou une nouvelle tendance en danse?
La Belge Christine de Smedt dit avoir été éberluée de découvrir des similitudes entre le spectacle de Jérôme Bel, The Show Must Go on, et le sien, 9×9, qu’elle présentera dans quelques jours à l’Usine C. Comme elle, le Français chorégraphie avec des non-danseurs sur une musique populaire. Sa pièce donnait à voir des moments surprenants, parfois troublants de vérité. Selon elle, c’est dans l’air du temps que de vouloir mettre en scène des hommes et des femmes qui ne maîtrisent aucune technique de danse. "Ça se veut une réflexion sur le mouvement", résume-t-elle simplement.
Voilà deux ans déjà que la jeune Flamande promène son projet de danse et de masse dans les villes européennes. Avec la collaboration de neuf (vrais) interprètes, elle fait danser 72 volontaires recrutés dans les villes-hôtesses. À Porto, au Portugal, elle a chorégraphié pour des personnes âgées. À Rotterdam, aux Pays-Bas, ce sont des dizaines de parents en présence de leurs poupons qui occupaient la scène. Des employés du Centre Georges-Pompidou, à Paris, ont aussi répondu à son invitation. Chez nous, des jeunes de 16 à 25 ans obéiront à ses consignes au demeurant fort simples (se déplacer selon des règles mathématiques de base). "Dans chaque ville, j’adapte des passages en fonction des caractéristiques de la troupe et j’ajoute aussi des éléments nouveaux."
Membre des Ballets C. de la B depuis 1990, un collectif dirigé par Alain Platel, lequel produit 9×9, Christine de Smedt a notamment dansé pour Meg Stuart ainsi que pour ses propres solos. Avec 9×9, elle souhaite monter une bibliothèque chorégraphique. Une bibliothèque constituée de pièces qui démontreraint la possibilité de conserver son caractère individuel dans une foule. "Je suis plus intéressée par les histoires des autres que par ma propre histoire", dit-elle avec son accent flamand.
En ville depuis quelques jours, Christine de Smedt trouve la rue Saint-Denis débordante de vie et un brin bruyante. La forte présence de jeunes dans le quartier et le dynamisme qui s’en dégage lui sautent aux yeux. Cette vitalité marquera sans doute la version montréalaise de 9×9. Malgré son expérience et le succès de son concept, l’artiste ne peut s’empêcher d’angoisser un peu. Aura-t-elle recruté suffisamment de participants? Seront-ils motivés? Comprendront-ils bien ses consignes? Si elle le souhaitait, son concept pourrait se renouveler éternellement. Mais, à trop en faire, Christine de Smedt croit ne pas pouvoir tenir le coup. Et puis, elle a envie de s’investir dans des projets de longue haleine. "9×9 est une expérience très intense et très courte, explique-t-elle. Les répétitions sont aussi importantes que les représentations. Et celles-ci se déroulent sur cinq jours en raison de quatre heures par jour. Souvent, les participants ont beaucoup d’attentes. Mais comme ce n’est pas possible pour moi de parler avec chacun d’eux, cela crée parfois des frustrations. L’important, c’est que tout ça soit pris comme un jeu."
En ces temps d’incertitude, 9×9 a des chances de nous redonner foi en autrui. Les tristes événements survenus récemment à New York teinteront probablement les gestes des danseurs. Mais il n’y a pas de danger que la pièce sombre dans le mélo. "C’est important de montrer des phénomènes de groupe positifs", dit la chorégraphe. Jusqu’à maintenant, le public a adoré le concept partout où il a été présenté. "À Rotterdam, une dame m’a même dit que le spectacle l’avait réconciliée avec l’humanité."
Festival international de nouvelle danse
Du 3 au 6 octobre
À l’Usine C