Anne Teresa de Keersmaeker : Rap et rage
Scène

Anne Teresa de Keersmaeker : Rap et rage

Dur, dur de faire parler ANNE TERESA KEERSMAEKER Jointe au téléphone, la semaine dernière, à Bruxelles, la chorégraphe flamande répondait du bout des lèvres à Voir qui voulait en connaître plus sur I Said I que sa compagnie, ROSAS, interprétera au FIND. Mais nous avons quand même réussi à lui arracher quelque 10 minutes de son temps.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la première escale d’Anne Teresa de Keersmaeker au Festival international de nouvelle danse (FIND), en 1985. La jeune diplômée de l’école Mudra, dirigée par Maurice Béjart, avait à peine 25 ans et, déjà, ses débuts chorégraphiques faisaient sensation.

Le public montréalais a tout de suite apprécié la fluidité et la puissance dramatique de sa gestuelle semblant couler de source. Aujourd’hui, la feuille de route d’AT de Keersmaeker fait état de 28 succès, dont quatre ont été présentés au FIND. "J’aime beaucoup rencontrer un public qui a déjà vu plusieurs de mes pièces. Je suis reconnaissante au FIND à ce niveau-là", dit-elle.

Les Montréalais seront-ils toutefois aussi enthousiastes pour I Said I ? Créée voilà un an et demi, cette chorégraphie portant sur le chaos, dansée sur des musiques de jazz, hip hop ou romantique, et qui fait plus de deux heures trente sur scène, s’éloigne de la structure épurée à laquelle Keersmaeker nous avait habitués. "Pourtant, j’ai toujours réalisé des pièces extrêmement différentes, se défend la chorégraphe. C’est juste que Montréal n’a pas vu les diverses facettes de mon travail."

La création de I Said I survient après celle de Just Before, qui devait prendre l’affiche en 1999 au FIND – celle-ci fut remplacée à la dernière minute par l’excellent Drumming en raison du conflit syndical qui sévissait à la Place des Arts. Just Before et I Said I font partie d’un nouveau volet du travail de Keersmaeker, lequel marie une musique live avec la danse et la parole. Dans Just Before, les danseurs révèlent par bribes leur histoire personnelle. Dans I Said I, ils s’approprient un texte de Peter Handke publié au milieu des années 60. Écrit à la première personne du singulier, Introspection aborde de manière éclatée la difficulté à évoluer parmi ses semblables.

Sur scène, la troupe est accompagnée par le jazzman Fabrizio Cassol, le D.J. Grazzhoppa et l’ensemble Ictus. AT de Keersmaeker a demandé à sa soeur cadette, la comédienne et metteure en scène Jolène de Keersmaeker, de superviser le travail dramatique. " le sentiment de confusion provient sans doute de la complexité du texte, car il suggère une multitude d’angles, de points de vue et d’images."

Même si des spectateurs deviennent vite exacerbés par le capharnaüm qui règne sur le plateau, plusieurs critiques n’hésitent pas à considérer I Said I comme une oeuvre majeure du répertoire de Rosas. La touche esthétique combinée à une solide structure chorégraphique apporte une forme d’ordre dans le désordre. "C’est une pièce importante pour moi, parce que c’est un travail sur le sens et le chaos, explique AT de Keersmaeker. Elle est extrêmement complexe et, en même temps, d’une grande transparence."

Plus transparente que son auteure, ça c’est sûr !

Les 5 et 6 octobre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts