Le Chien de Culann : Critique
À l’ouest du Vieux Continent, des brumes éternelles surgit une île nommée Île Verte ou Irlande. Bien avant la christianisation et la venue de ceux que l’on appelle les Irlandais, vivait en ce lieu un peuple aux pouvoirs druidiques et bardiques: les Sidhes.
À l’ouest du Vieux Continent, des brumes éternelles surgit une île nommée Île Verte ou Irlande. Bien avant la christianisation et la venue de ceux que l’on appelle les Irlandais, vivait en ce lieu un peuple aux pouvoirs druidiques et bardiques: les Sidhes. Voilà le terreau original du Chien de Culann, assemblage de trois courtes pièces de W.B. Yeats, présenté au Petit Théâtre de Québec.
Si le récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1923 demeure peu connu en terre d’Amérique (ceux qui le lisent sont, par ailleurs, plus familiers avec ses poèmes qu’avec sa production dramaturgique), il s’agit sûrement d’un malentendu que les créateurs du nouveau Théâtre Péril se sont mis en frais de réparer. Christian Lapointe, metteur en scène, et son acolyte, la scénographe Danielle Boutin, ont su évaluer avec justesse le pesant d’or que véhicule cette pièce qui, ne manquant pas de désorienter le spectateur habitué à un fil narratif linéaire et à la représentation d’un monde réel et prévisible, le plonge dans l’univers souterrain des druides, un lieu où la vie terrestre se situe aux frontières du réel et du rêve.
Issue de trois ans de recherche et d’exploration de natures diverses (littéraire, scénique, gestuelle, scénographique), la représentation, fondée sur des techniques qui dérogent à la notion de jeu théâtral à proprement parler, transporte le spectateur dans un univers empreint de symbolisme, si présent dans la culture celte, et ravive le débat à savoir: le théâtre se doit-il d’être propre? À ce sujet, on sent chez Lapointe, autant par les pratiques qu’il propose aux acteurs (nô japonais, danse moderne, masques) qu’à travers l’esprit même dans lequel la pièce semble avoir été montée (refus des conventions classiques autant dans la mise en scène, qui fait abstraction de toute unité possible, que dans la scénographie, troublante de nudité), un intérêt pour le versant faible de l’humain, et donc pour ce qu’il contient de monstrueux et d’impur.
Cette impureté définit l’esthétique du Chien de Culann, et propose une lecture audacieuse en ce qu’elle respecte toute la poésie de l’oeuvre sans pour autant occulter son caractère morbide, terreux, amer. Appuyé par une performance sans reproche de six jeunes comédiens qui savent rendre avec sobriété le pouvoir évocateur du texte (Serge Bonin y est particulièrement lumineux), le travail du Théâtre Péril se dédit franchement du courant divertissant en vogue au Québec et rappelle qu’un théâtre en marge ne rime pas nécessairement avec hermétisme.
Jusqu’au 13 octobre
Au Petit Théâtre de Québec